"Le dernier des injustes, qui a son origine dans le film du même nom, est le plus extraordinaire témoignage sur la genèse de la solution finale. Il permet de comprendre comment les nazis passent en deux ans de l'expulsion impitoyable des Juifs d'Autriche, de Tchécoslovaquie et d'Allemagne à la mort de masse dans les chambres à gaz. Benjamin Murmelstein est le personnage central de ce livre, témoin capital qui deviendra le président du Conseil juif du ghetto de Theresienstadt, créé par Eichmann pour faire croire au monde à la vie heureuse que voulait Hitler pour les Juifs qu'il allait assassiner.
Rabbin de la communauté juive de Vienne, d'une mémoire et d'une intelligence hors normes, d'une immense culture, d'un caractère d'acier, d'une clairvoyance inouïe, jusqu'à deviner et déjouer les mesures atroces projetées par les nazis, Murmelstein dresse un portrait extraordinaire d'Eichmann, qu'il dut fréquenter pendant sept ans : pas du tout l'homme de la "banalité du mal", comme l'a prétendu Hannah Arendt, mais un antisémite d'une cruauté sans frein, impitoyable et corrompu. En même temps, Murmelstein se livre à une critique féroce du procès d'Eichmann à Jérusalem, mal préparé, où on refusa de le convoquer et de l'entendre.
Contraint par la force de coopérer avec les nazis, Murmelstein ne fut en rien un "collaborateur", même si des détenus de Theresienstadt voulurent le faire passer pour tel. Jugé à sa demande par la justice tchèque, il fut acquitté de toutes les calomnies portées contre lui. Avec sa femme et son fils, il s'exila à Rome, sans avoir jamais connu Israël. À sa mort, en 1989, le rabbin de Rome refusa de l'inhumer et de dire pour lui le kaddish, la prière des morts."
Claude Lanzmann
Métier à tisser de Vaucanson, fardier de Cugnot, pendule de Foucault, caméra de Louis Lumière, pâtes de verre de Gallé... Quel mystérieux protocole réunit, dans l'ancien prieuré de Saint-Martin-des-Champs, les objets mythiques de notre civilisation ? En 1794, dans l'urgence révolutionnaire, l'abbé Grégoire voulut une institution-référence, où seraient rassemblés les outils, instruments et machines utiles au progrès. Au fil de péripéties romanesques, l'idée prend corps. Tandis qu'en 1819, un enseignement supérieur s'instaure au Conservatoire, la collection grossit, devient un musée admiré de l'Europe entière. Du rêve de ses fondateurs, aux grands travaux qui assureront sa prochaine rénovation, le musée des Arts et Métiers témoigne depuis deux cents ans de l'aventure technologique. Alain Mercier s'en est fait le chroniqueur.