Le besoin d'empathie n'a jamais été aussi grand, à hauteur de la réponse nécessaire à la peur de l'autre et aux appels à son rejet, dans les urnes tout comme dans la rue. Ce que peut en dire l'anthropologue (ou l'ethnologue, c'est-à-dire l'anthropologue lorsqu'il mène ses enquêtes de terrain) n'est pas de l'ordre du jugement, de l'indignation ou de la compassion. C'est le récit d'une expérience : le monde vu depuis le lieu qu'occupent celles et ceux que Michel Agier rencontre, sur son « terrain ». Tout commence donc par la décision d'une rencontre, puis d'un échange et enfin d'une description du monde sans début ni fin, comme un exercice à la fois utile, permanent et accessible à toutes et tous. Tout ce qu'il peut comprendre, le savoir qu'il peut produire et transmettre, l'anthropologue le doit à l'histoire renouvelée d'une rencontre et d'une relation qui s'établit avec le monde qu'il découvre. Une relation qui, par méthode, le conduit vers l'empathie, seul moyen d'échapper aux préjugés et aux idées reçues.
À travers l'étude du sacrifice, Hubert et Mauss s'intéressent au sacré et au rapport au sacré. Cette étude ouvre une fenêtre sur la nature de la société puisque les choses sacrées sont choses sociales. À partir de l'idée de l'unité générique du sacrifice, la démarche suppose de s'intéresser à toutes les formes de sacrifices rituels pour en tirer le schème général. Ce parti pris méthodologique comparatiste, issu de l'école durkheimienne, fait toute l'originalité de l'essai à son époque et sa pertinence de nos jours, évitant les spéculations généalogiques qui établiraient l'antériorité d'une forme sur une autre. Ce texte classique permet de formuler une série de questions toujours actuelles pour l'ethnographie.
« Mauss s'est montré toute sa vie obsédé par le précepte [...] selon lequel la vie psychologique ne peut acquérir un sens que sur deux plans : celui du social, qui est langage ; ou celui du physiologique, c'estàdire l'autre forme, cellelà muette, de la nécessité du vivant. Jamais il n'est resté plus fidèle à sa pensée profonde et jamais il n'a mieux tracé à l'ethnologue sa mission d'astronome des constellations humaines, que dans cette formule où il a rassemblé la méthode, les moyens et le but dernier de nos sciences et que tout Institut d'ethnologie pourrait inscrire à son fronton : "Il faut, avant tout, dresser le catalogue le plus grand possible de catégories ; il faut partir de toutes celles dont on peut savoir que les hommes se sont servis. On verra alors qu'il y a encore bien des lunes mortes, ou pâles, ou obscures, au firmament de la raison." »
« Que restera-t-il de l'humanité lorsque toutes nos forêts auront été brûlées, nos rivières asséchées, nos ressources naturelles épuisées ? » L'itinéraire de l'Indonésien Iwan Asnawi, qui a renoncé à son métier d'avocat pour devenir guérisseur, est extraordinaire à plus d'un titre. Iwan Asnawi a grandi dans la jungle indonésienne, sur un territoire qui deviendra l'un des plus déforestés de son pays, et socialement le plus dangereux. Par son histoire, il est le témoin de la vie politique de son pays, des conséquences écologiques, culturelles et sociales désastreuses de la déforestation massive imposée par la dictature militaire qui a sévi pendant plus de trente ans en Indonésie. Cet ouvrage rend honneur à l'histoire indonésienne, à ses clans, à ses croyances, à son syncrétisme spirituel si étonnant d'un point de vue européen. On comprend que détruire la jungle, c'était détruire une spiritualité ancestrale. Mais Iwan est animé par l'espoir d'un avenir possible, qui renouerait avec les valeurs qui ont construit l'identité indonésienne, dont de nombreux clans spirituels perpétuent aujourd'hui la transmission.
Cet ouvrage est le fruit d'une expérience de l'enseignement universitaire de l'anthropologie des religions, éclairée par la fréquentation des grands auteurs autant que par la connaissance du terrain des religions, notamment africaines.
Ce parcours personnel n'est ni une simple introduction à l'anthropologie des religions, ni une étude spécialisée des grandes figures de l'anthropologie et de leurs théories de la religion. Les choix retenus privilégient l'association étroite d'un anthropologue, d'une oeuvre et d'un objet : par exemple, Claude Lévi-Strauss, Le totémisme aujourd'hui, et la fonction symbolique. Sont donc étudiés ici des auteurs aussi importants que R. Bastide, M. Augé, J. Favret-Saada, Cl. Geertz ou encore R. Hertz. Chemin faisant, les filiations et les reprises du questionnement sont soulignées autant que les ruptures. Le fil conducteur est la question qu'Evans-Pritchard fut l'un des premiers à poser : le rapport des anthropologues aux choses religieuses dans la construction même de leurs objets.
Agriculteurs dans l'ère himalayenne, les Na sont une ethnie de Chine, qui a toujours vécu sans institution du mariage. Comment une société peut-elle fonctionner sans père ni mari ? Frères et soeurs partagent le même feu et élèvent ensemble les enfants des femmes. Comme dans toute autre société, il y a prohibition de l'inceste, les hommes pratiquent un système de visites nocturnes. Ce système de vie sociale semble être unique au monde et entraîne un changement fondamental dans l'analyse sociologique de la famille et du mariage.
Le chamanisme est l'un des grands systèmes imaginés par l'homme pour donner sens aux événements et agir sur eux. Étroitement lié au rêve, il suppose une alliance spécifique avec les « dieux ».
Le chamane est là pour prévenir tout déséquilibre et répondre à toute infortune : l'expliquer, l'éviter ou la soulager. Véritable « praticien du rêve », il comble à sa manière une béance entre l'esprit humain et le monde mal adapté qui l'entoure. Réunissant des qualités que notre culture sépare, il nous fascine, et parfois nous aveugle.
Les questions que se posent les sociétés chamaniques rejoignent souvent les nôtres, mais leurs réponses sont originales. C'est pourquoi elles nous intéressent tous. C'est pourquoi aussi médecins, psychologues, psychanalystes et spécialistes des religions reconnaîtront ici, comme en un miroir déformant, les objets de leurs disciplines.
Enraciné dans une expérience vécue sur une période de plus de quinze ans avec un peuple indien d'Amérique qui fait des rêves un grand usage social, intellectuel et religieux, ce livre s'interroge également sur cette dualité qui lie l'ethnologue aux gens avec qui il a longtemps partagé sa vie.
« Publié en 1925, La Barrière et le Niveau fait partie de ces oeuvres majeures qui ont exercé une influence souterraine très puissante sur la sociologie française de l'éducation et de la culture des années 1960-1970. Écrit par un philosophe des sciences, épistémologue et logicien, Edmond Goblot (1858-1935), le livre n'a presque jamais été cité par les sociologues qui se sont pourtant approprié ses schèmes interprétatifs, son langage, et parfois même sa tonalité critique. Ce n'est donc que justice que de rappeler la dette contractée à l'égard de ce travail lumineux.
En lisant Goblot, les sociologues ne pouvaient manquer d'y trouver un soutien dans leur entreprise de déplacement du regard scientifique de l'économique vers le symbolique. Pour ce philosophe, en effet, les différences de richesse économique ne suffisent pas à différencier les classes sociales. Ce sont les ("bonnes") manières de voir, de sentir et d'agir dans les différents domaines de l'existence (dans l'ordre du langage ou du geste, dans le comportement en société comme dans le choix du vêtement, du logement ou du mobilier) qui font de la bourgeoisie ce qu'elle est en tant que classe dont les privilèges ne sont pas donnés à la naissance. Cette dernière installe donc des barrières entre elle et les classes subalternes qui sont légalement franchissables et continuellement franchies, lui imposant ainsi l'invention régulière de nouveaux obstacles pour tenir les autres classes à bonne distance.
Goblot porte aussi sur les classes sociales un regard de logicien. Dans l'ordre des "jugements de valeur" qui circulent dans la vie sociale, il voit à l'oeuvre une mystique proche de ce que L. Lévy-Bruhl désignait sous le nom de "mentalité prélogique". Les jugements collectifs, et tout particulièrement les "jugements de classe", n'ont rien de très rationnel ou de très logique. Ils relèvent d'une magie sociale qui repose le plus souvent sur des associations infra-conscientes. Quant aux signes extérieurs de richesse culturelle ou économique, ils agissent comme des "nuages d'émotions" qui empêchent de voir les individus avec un regard objectif.
Derrière l'analyste perspicace, pointe le critique social ou le moraliste qui rêve, de toute évidence, d'un monde où les différences sociales ne se fonderaient que sur le talent et le mérite personnels. À ses yeux, la bourgeoisie a fait historiquement un pas dans la bonne direction mais ne s'approprie du savoir, de la culture et de la morale que ce qui peut lui être utile dans sa stratégie de reproduction ou de maintien des différences sociales. Les sociologues de l'éducation et de la culture des années 1960-1970 révoqueront en doute l'idéologie méritocratique comme l'idéologie du don naturel, mais ils n'en auront pas moins bénéficié, et nous comme eux, du réseau d'argumentations sociologiquement pertinentes condensé dans La Barrière et le Niveau. » (B. Lahire)
Comment nos enfants éduquent-ils leurs enfants ? Chaque génération se socialise sur la base des modèles culturels transmis par la génération précédente et pour le sociologue, la transmission joue un rôle essentiel dans le processus de la socialisation. C'est dans la famille que cette transmission se fait dès le plus jeune âge, son impact est considérable. Mais les mutations d'une société s'interposent entre ce qui est transmis et ce qui est hérité et les objets de la transmission se transforment au gré de la succession des générations. La transmission est une histoire évolutive, complexe dans la diversité des formes et des structures de la socialisation avec des perpétuelles mutations dans le temps. Cet ouvrage sur la transmission est réalisé à la suite d'enquêtes par des sociologues connus pour leurs travaux sur l'éducation familiale.
« Les conduites d'anticipation s'imposent aujourd'hui dans leur grande variété comme un fait majeur de notre temps », constatait l'auteur dès 1990 lors de la première édition de ce texte dans la collection «?Psychologie d'aujourd'hui?». Plusieurs fois réédité et corrigé, ce manuel est devenu une introduction classique à l'analyse de ce que l'on appelle les « conduites à projet » et « les cultures de projet ».
Mais «?lorsqu'il passe de la phase de conception à la phase de réalisation, le projet constitue-t-il un guide efficace à l'action???» Que nous apprend le projet sur la condition humaine lorsque celle-ci se préoccupe du « faire advenir » ? Cette approche anthropologique du projet vise à identifier la diversité des situations, à repérer les invariants, à comprendre comment fonctionne le projet dans différents ensembles culturels, à s'interroger sur la façon dont les individus, les groupes, les cultures construisent et vivent leur rapport au temps.
Les présents entretiens, qui ne sont pas conduits à la façon d'une pure conversation, font dire ce qu'est le savoir en sciences humaines et sociales rapporté à un long parcours de recherche et d'engagement. Ils ont leur source dans une interrogation du monde et de l'Histoire, l'un saisi dans sa diversité, l'autre dans ses turbulences.
Ce parcours est celui de Georges Balandier. Il accompagne la traversée d'une oeuvre qui, commencée avec l'anthropologie des sociétés de l'ailleurs, mène à l'interprétation actuelle de la surmodernité mondialisante : on y mesure l'itinéraire accompli, depuis les premiers travaux sur la « situation coloniale », le « tiers monde » et les libérations africaines, jusqu'aux interrogations portant sur le « grand dérangement » des sociétés contemporaines. On y mesure également la fracture anthropologique effectuée au tournant du XXe siècle et l'entrée subreptice dans un nouvel Âge, avec l'émergence rapide de « nouveaux nouveaux mondes » dissociés de la géographie et issus de la « grande transformation » continûment à l'oeuvre depuis trois décennies. Ces mondes, nous les habitons dans un dépaysement croissant, à tel point qu'ils en deviennent un autre ailleurs, engendré cette fois par les contemporains.
En partant de la grande diversité des évaluations de projet ou de la constitution fréquente aujourd'hui de monographies de projet, il est possible d'identifier les règles incontournables sans lesquelles tout projet va se trouver inévitablement malmené ; mettre en évidence ces règles, c'est faire oeuvre de grammairien cherchant à définir le cadre incontournable à l'intérieur duquel va pouvoir se déployer l'espace de possibles que va utiliser l'écriture d'un projet ; ces différentes règles sont ici passées en revue, depuis l'art du jet et la démarche itérative du travail de conception et de réalisation jusqu'à la rose des vents des projets, la sémiotique des acteurs, en passant par le bon usage des paronymes du projet, les sept grandes familles de projet et les relations capricieuses entre programme et projet. Ces neuf règles identifiées permettent d'esquisser les caractéristiques fondatrices de toute conduite de projet.
Autrefois figures du "sauvage", aujourd'hui modèles d'harmonie avec la nature, les descendants des premiers habitants du Nouveau Monde sont pourtant tout aussi concernés que quiconque par la vie moderne, y compris les technologies et la globalisation économique. Elles les atteignent au coeur de leurs territoires et produisent sur eux le même effet que partout en les incitant à quitter les campagnes pour les villes. Devenus urbains ils restent toujours des Indiens pour eux-mêmes et ceux qui les côtoient tout en s'appropriant un territoire, comme ces Indiens mixtèques émigrés en Californie, et s'y faisant une place économique, sociale et politique.
Margaret Mead prétendait en 1928, avoir observé aux Iles Samoa que la liberté sexuelle chez les adolescents était favorisée par la culture polynésienne. En réalité M. Mead a reproduit un mythe occidental ancien, dont l'ouvrage ici révèle le mécanisme : comment le mythe a orienté la préparation puis le contenu de l'enquête de Mead. Il fournit également les résultats d'une récente enquête sur les représentations culturelles de la sexualité à Samoa.
Dèqs que le hasard impose sa loi, des rites régissent les pratiques les plus techniques. Ces rites et ces pratiques sont-ils à conserver et à considérer comme du patrimoine vivant à conserver ? ou comme des ressources d'énergie à mobiliser ? mais alors pour quels projets et pour quels mondes ? De ces rites il y a encore beaucoup de matière à penser.
Dans l'histoire des sciences sociales reviennent, périodiquement et sous diverses formes, deux questions fondamentales : la nature exacte de l'objet des sciences humaines et sociales et la possibilité de penser une théorie générale. A partir d'une étude comparative des quatre systèmes de représentation de la reproduction humaine, dans la lignée de ses travaux sur les Na de Chine, l'auteur tente ici de formaliser un système de la parenté qui clarifie les notions de "culture", d'"ethnie" et de "société" et qui distingue les caractéristiques de l'objet des sciences naturelles d'un côté, de celles de l'objet des sciences sociales de l'autre. En repensant ainsi l'approche anthropologique selon la triple et très nette distinction du biologique, du culturel et du social, Hua Cai montre que la parenté est culturelle et sociale et avance de nouvelles propositions épistémologiques qui remettent en question un certain rationalisme occidental et seraient utiles aux autres sciences humaines et sociales.
Ce carnet de voyage est un prétexte : la collection de courts essais qui le constitue offre bien plus qu'une chronique humoristique des pérégrinations d'un Africain en Extrême-Orient. Ici, l'Asie n'est ni un lieu de villégiature ni une destination touristique, mais une vocation philosophique, une ressource pour penser la différence et l'identité. L'auteur considère que le fait de quitter les univers qui lui sont familiers est une expérience spirituelle indispensable. À travers des anecdotes, des faits vécus, des observations et des réflexions, il invalide l'alternative stérile entre universalisme et relativisme, et présente le dépaysement comme un élément primordial de la pratique de soi. L'humilité est donc à la fois un mode de connaissance, un vecteur d'accès à l'imaginaire d'autrui, et un moyen de méditer sur le sublime. Rejetant l'illusion d'un ordre moral qui régirait un quelconque choc des civilisations, cette quête d'absolu suggère, au final, un assortiment d'éléments pour déchiffrer la condition humaine.
L'expérience mystique fait encore l'objet d'appréciations contradictoires : certains théologiens la considèrent comme l'unique voie d'accès possible au transcendant, d'autres la réduisent à des phénomènes hallucinatoires ou même à des formes de délire relevant de la psychiatrie (ce "sentiment océanique" évoqué par Romain Rolland, Freud le considère d'ailleurs comme une pathologie mentale). Mais de nombreuses personnes ont connu des extases comparables à celles décrites par des auteurs religieux. L'auteur les nomme des "mystiques sauvages", en ce sens que leur expérience, spontanée ou provoquée, ne s'inscrit dans aucun cadre religieux défini. A partir de leurs témoignages, la réflexion philosophique menée par Michel Hulin montre comment cette expérience mystique peut dévoiler une part d'absolu alors même qu'elle se situe en lisière de la folie.
Quelles sont les conditions d'élaboration de la singularité comme production sociale et historique devenant ensuite objet anthropologique ? Etude importante aidant à comprendre les racines des particularismes régionaux. SOMMAIREIntroduction : La singularité comme production discursive -- Discours sur les effets et effets de discoursChap. I -- Graphie des singularités basques : singularité négative - positive - ambivalente (regard de l'Etat)Chap. II -- L'Aufklärung et la basquité : anthropologie - langue et peuple - écho de la basquité en Allemagne au XIXe s. Chap. III -- Entre mythologisme et positivisme : illuminisme - fondation d'une "Volkskunde basque - germanophilie, néo-paganismeChap. IV : Les nouveaux savoirs et la basquité : origines - introduction du thème racial - anthropologie physique et race - regard ethnographique - science républicaine et basquité - échangesChap. V : Invention, idéologies et esthétique des traditions populaires basques : fêtes basques comme fêtes totales - traditions et modernitéConclusion
Cet ouvrage est issu d'une thèse sur les "pousseurs de bois" ou joueurs d'échecs. Il est consacré à l'étude des conditions sociales dans lesquelles se pratique le jeu d'échecs. Ce n'est pas un ouvrage théorique mais une analyse avec des illustrations, de cette pratique sociale qui mobilise de nombreux amateurs, atteint un large public à travers des articles que l'on trouve même dans la grande presse. Ouvrage illustré original quant à son sujet d'étude.
Ce livre développe une nouvelle approche des travaux de Malinowski, l'une des principales autorités fondatrices des sciences sociales modernes. Les observations ethnographiques réalisées par Malinowski en Mélanésie ne semblent pas susceptibles de remettre fondamentalement en cause la portée universelle des découvertes de Freud. C'est le premier ouvrage de synthèse portant sur le débat Malinowski / Freud.
Entre 1915 et 1918, Malinowski a mené une enquête aux îles Trobriand en Mélanésie. Cette enquête de terrain est considérée comme l'un des moments fondateurs de l'anthropologie moderne.
A son retour, Malinowski s'est lancé dans un débat critique avec la psychanalyse à partir de trois affirmations : il existerait dans ces îles une grande liberté sexuelle et le développement des individus ne serait pas semblable aux thèses de Freud -- les Trobriandais seraient dans l'ignorance des mécanismes de la paternité physiologique -- il existerait un complexe spécifique : les désirs sensuels du garçon porteraient sur sa soeur et ses impulsions hostiles seraient dirigées contre son oncle maternel.
Malinowski voulait ainsi montrer que les thèses de Freud ne tenaient pas compte de la diversité des configurations sociales. Certains psychanalystes ont réagi, tel Ernest Jones, entraînant un vaste débat toujours d'actualité.
Cet ouvrage s'interroge sur la culture antillaise dans laquelle hommes et femmes usent beaucoup de masques, au sens large, tantôt pour montrer une certaine identité, tantôt pour en dissimuler une autre. Mais comment ces identités se sont-elles constituées ? Comment jouent-elles les unes avec les autres ? La mémoire de l'esclavage marque-t-elle encore ces identités ? Le lien social est-il encore dicible ? A partir de nombreuses enquêtes, l'auteur montre une nouvelle approche de l'identité martiniquaise.
Guerres ethniques, purification ethnique mais aussi minorités à protéger, identités ethniques à respecter : l'ethnicité est la pire et la meilleure des choses. On trouve ses représentations assez loin dans l'histoire, depuis le XIXe siècle, l'ethnicité apparaît avec l'apparition des nationalités, comme l'un des principes organisateurs de l'espace européen. Pourtant les sciences sociales échouent à donner une définition universelle de l'ethnie. C'est que l'ethnie est d'abord une façon sommaire de classer et désigner l'autre, le dissemblable ou le semblable, telle est la thèse de l'auteur qui s'appuie sur l'exemple des entités balkaniques. L'ordre rétabli par la communauté internationale dans la péninsule est à l'image du nouvel ordre européen fondé sur un principe des minorités qui tend à supplanter l'ancien principe des nationalités. Mais à travers l'un ou l'autre c'est toujours l'ethnicité qui ordonne le monde.