L'art occupe dans la pensée de Deleuze une place déterminante. De la littérature au cinéma, de la lettre à l'image, Deleuze théorise le domaine de l'art avec des concepts très nouveaux, attrayants et difficiles : corps sans organes, machines désirantes, devenir-animal, rhizome, lignes de fuite... Il s'agit ici d'en exposer le fonctionnement exact en montrant pourquoi l'art, selon Deleuze, devient une machine à explorer les devenirs des sociétés : critique et clinique, il détecte et rend sensibles les forces sociales. Mais l'art produit surtout des effets réels, et non pas simplement imaginaires : l'image n'est donc pas une donnée mentale mais bien une réalité existante.
Cet ouvrage se propose de faciliter l'accès à l'oeuvre décisive de Deleuze, en restituant ses parcours dans un souci d'extrême clarté.
En étudiant Le Diable et le bon Dieu de Jean-Paul Sartre (1951), Les Noyers de l'Altenburg d'André Malraux (1943) et Les Géorgiques de Claude Simon (1981), l'auteur entend mettre en lumière la manière dont ces oeuvres singulières se saisissent de l'expérience de la guerre et ainsi rencontrent, en littérature, le problème de l'histoire.
Envisagée comme une puissance de renversement, la guerre détermine ici une série de révélations, qui concernent aussi bien l'essence de l'homme, sa permanence au sein de civilisations en proie au déclin (Les Noyers de l'Altenburg) que le statut et la possibilité de son engagement dans l'histoire collective (Le Diable et le bon Dieu), ou encore sa disparition pure et simple dans le mouvement même de cette histoire, rendue à la pure immanence de ses productions (Les Géorgiques).
Les figures de l'échec, de la chute, ou encore de la rematérialisation sauvage de l'homme au contact de l'histoire se trouvent ainsi placées au coeur de l'expérience littéraire du XXe siècle.