Les articles réunis dans ce volume correspondent à une durée de quatre ans environ dans la vie de Sartre : on y retrouve au premier plan l'écho des événements qui se déroulèrent dans le monde ainsi qu'en France.
Président du Tribunal Russell, Sartre est aux côtés du peuple vietnamien en lutte contre les États-Unis ; il soutient les intellectuels et le peuple tchécoslovaque dans leur révolte contre un socialisme absurde et dictatorial importé d'U.R.S.S. ; il essaie non sans peine ni déchirement de concilier son soutien à l'État d'Israël et les justes revendications du peuple palestinien.
Surpris comme tout le monde par les événements de Mai 68, il en épouse cependant très vite la révolte anti-autoritaire et se met résolument aux côtés des étudiants, sensible à ce qu'il y a de neuf, ce mois de mai marquant une rupture nette ouvrant sur l'avenir de nouvelles perspectives ; il prit plaisir à voir le général de Gaulle et son régime mis à mal par les événements ou l'Université et ses sommités en butte à la contestation ; son plaisir ne fut pas moindre quand il put, aux Temps modernes, faire entendre la voix de la contestation contre la psychanalyse avec laquelle il avait, depuis longtemps, un compte à régler.
Cela ne veut pas dire que le penseur, le philosophe qu'est Sartre ait disparu pour autant. Certes il n'occupe pas ici le devant de la scène, mais il travaille avec acharnement à compléter ce qui était conçu comme une somme : son Flaubert qui devait contenir tout Flaubert mais aussi tout Sartre.
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Ce volume de Situations donne de Sartre plusieurs images : certaines connues, d'autres plus inattendues. Nous connaissons l'admirateur passionné des artistes : les textes consacrés à Mallarmé et au Tintoret, auxquels il s'intéresse depuis longtemps, sont des adieux définitifs, d'ultimes témoignages sauvés de l'inaboutissement d'oeuvres plus vastes et plus ambitieuses, comme celle qu'il consacra à Jean Genet ou celle qu'il espère mener à son terme sur Flaubert.
D'autres textes correspondent à l'image ne varietur de l'écrivain engagé : celui qui soutenait le F.L.N. algérien défend maintenant le peuple vietnamien ; l'opposition au général de Gaulle est toujours aussi tenace. Il y a aussi la ' vedette ', comme il se définira ironiquement lui-même, à qui le Japon a réservé un accueil enthousiaste et qui va bientôt se lancer dans l'aventure du Tribunal Russell.
Enfin, se montre le théoricien, le philosophe qui se rend confusément compte que les beaux jours de la prééminence intellectuelle sont révolus ou en voie de l'être. S'il cite, en passant, les noms de Lacan, Barthes ou Lévi-Strauss, il ne cède rien sur la vision du monde et de l'homme que l'existentialisme proposait.
Les temps changent, sans qu'il le voie vraiment : Mai 68, qui va bientôt faire vaciller bien des certitudes, en sera la preuve éclatante.
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La guerre d'Algérie, qui débute en novembre 1954, amène Sartre à réfléchir sur la colonisation, la décolonisation, le terrorisme, la torture et la censure. Au cours des années suivantes, il continue à s'interroger sur le communisme, sans pour autant délaisser les arts. Il publie une préface à un ouvrage de Cartier-Bresson, 'D'une Chine à l'autre', un article pour la revue de la galerie Maeght sur la peinture de Giacometti, un premier fragment d'une importante biographie existentielle consacrée au Tintoret. Enfin, en 1958, avec la préface au Traître, l'auteur de La nausée trace un portrait en miroir de son ami et collaborateur des Temps Modernes, André Gorz.
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De mai 1958 à octobre 1964, Sartre est sur tous les fronts. Depuis le premier volume de Situations, on le sait curieux et perspicace ami des écrivains et des artistes : Albert Camus, Paul Nizan, André Masson, Merleau-Ponty, Andreï Tarkovsky... Le refus du prix Nobel de littérature et la tonalité polémique que Sartre lui donne viennent mettre le point final à ces pages consacrées aux lettres et aux arts. Ce qui, incontestablement, tient la première place, c'est le combat politique. La toile de fond en est le conflit algérien et, de manière plus générale, les conflits du Tiers Monde ; y apparaissent de grotesques figures, d'autres que Sartre juge plus pernicieuses et dangereuses pour la démocratie et la République, d'autres enfin qui sont à ses yeux porteuses d'espérance ou véritablement héroïques. Dans ce combat politique, Sartre fait flèche de tout bois : le polémiste y excelle, le moraliste y cisèle ses aphorismes ; la violence va jusqu'au cri, semble emporter l'écrivain au-delà de toute retenue.
Mais il est enfin un autre Sartre plus humain, plus fraternel, celui qui part à la recherche de ses amis disparus, qui sont morts prématurément, absurdement, et à qui il faut rendre hommage ou justice : Camus, Nizan et Merleau-Ponty. Ces trois éloges funèbres sont également trois occasions de revenir sur soi, de comparer sa propre vie et celle de ceux qui ont disparu, de voir tout le chemin parcouru, tantôt avec eux tantôt sans eux ou contre eux, de jeter sur qui l'on fut un regard qui n'a nulle complaisance mais qui n'est pas sans tendresse.
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"Le roman ne donne pas les choses, mais leurs signes. Avec ces seuls signes, les mots, qui indiquent dans le vide, comment faire un monde qui tienne debout ? Car un livre n'est rien qu'un petit tas de feuilles sèches, ou alors une grande forme en mouvement : la lecture. Ce mouvement, le romancier le capte, le guide, l'infléchit, il en fait la substance de ses personnages ; un roman, suite de lectures, de petites vies parasitaires dont chacune ne dure guère plus qu'une danse, se gonfle et se nourrit avec le temps de ses lecteurs. Mais pour que la durée de mes impatiences, de mes ignorances, se laisse attraper, modeler et présenter enfin à moi comme la chair de ces créatures inventées, il faut que le romancier sache l'attirer dans son piège, il faut qu'il esquisse en creux dans son livre, au moyen des signes dont il dispose, un temps semblable au mien, où l'avenir n'est pas fait. Si je soupçonne que les actions futures du héros sont fixées à l'avance par l'hérédité, les influences sociales ou quelque autre mécanisme, mon temps reflue sur moi ; il ne reste plus que moi, moi qui lis, moi qui dure, en face d'un livre immobile. Voulez-vous que vos personnages vivent ? Faites qu'ils soient libres."
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"L'engagement de Sartre dans la vie politique se fait de plus en plus précis, plus hasardeux aussi ; il tente en 1952 un compagnonnage de route avec un parti communiste français travaillé en fait par le stalinisme. Son intention : contribuer à faire advenir un progrès décisif en faveur du monde ouvrier. Sa position pro-révolutionnaire à contretemps lui vaut la perte d'un ami, Albert Camus, qui lui était plus cher que leur différend politique ne le lui laissait penser à l'époque..."
Arlette Elkaïm-Sartre.
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Dans son essai Qu'est-ce que la littérature ? (1947), Sartre analyse les différents rôles que cette activité a tenus dans la société française, du XVIIe siècle à la Seconde Guerre mondiale, et explique les raisons qui l'ont poussé à opter pour la littérature engagée ; il se prépare résolument à "avoir le monde entier sur la tête", selon l'expression de Jean Paulhan, parfois au détriment de son oeuvre propre - articles sur la future naissance d'Israël (1948), sur la guerre d'Indochine (1949), appartenance au Rassemblement démocratique révolutionnaire dans l'espoir de contribuer à conjurer la menace de 'guerre atomique' entre l'Union soviétique et les États-Unis. Il continue néanmoins à s'intéresser à d'autres aspects de la littérature, à Franz Kafka, à Nathalie Sarraute, aussi bien qu'aux poètes de la Négritude, à l'art de Giacometti comme à l'avenir de la culture.
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Septembre 1944. Les années de plomb sont finies, Sartre a à coeur d'en rendre compte. Ses articles sur le sujet sont en fait les premières manifestations de son engagement dans la vie publique, que confirmera la parution du premier numéro des Temps Modernes. "Paris sous l'Occupation" est écrit à l'intention des Français qui ont combattu en liaison avec l'Angleterre ; un autre article, "Une grande revue française à Londres", est peu connu : il s'adresse cette fois à ses compatriotes qui ont subi l'Occupation, il les informe sur les activités guerrières des combattants de La France libre, dont ils savent encore peu de chose.
Janvier 1945 : Sartre est l'un des heureux reporters choisis par deux quotidiens pour un séjour aux États-Unis encore en guerre : "Les uns me disent : "Tenez-vous-en aux faits"... Et les autres, au contraire : "Prenez du recul"... Cette Amérique, peut-être que je la rêve. En tout cas je serai honnête avec mon rêve : je l'exposerai tel que je le fais."
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