Attentat d'Anagni, persécution des templiers, expulsion des Juifs du royaume, manipulations de la monnaie..., ou, au contraire, première réunion des états généraux. Dans notre mémoire nationale, la figure de Philippe le Bel reste attachée à une dérive autoritaire de la monarchie capétienne. Ce roi a pourtant fait la France à plus d'un titre, et c'est cette oeuvre de fondation que ce livre s'attache à restituer.
Il donne à comprendre comment, sous l'autorité d'un monarque encore médiéval, a été opéré un véritable modelage idéologique et politique de la France. Le petit-fils de Saint Louis n'a pas seulement "fait la France" par une régénération des moyens et des méthodes d'action de l'État en formation. Son gouvernement antiféodal, ses guerres, sa diplomatie, ses rapports à l'Église, tous participent de la même ambition : instaurer sur le monde chrétien une domination de la France, une domination perpétuelle. Ce dessein n'a pas eu pour seul foyer le Conseil du roi. Il a été secondé sur le terrain doctrinal par de grands universitaires, propagé par d'ardents prédicateurs, mis en oeuvre à travers le pays par les officiers royaux et avalisé par les représentants des trois ordres.
Autour des années 1300, c'est une remarquable poussée d'orgueil "nationale" qui prend forme, savamment enracinée dans la religion, l'histoire, le sentiment dynastique et le droit. La marque insigne de ce naissant complexe de supériorité du royaume est qu'il ne s'éteindra guère : jusqu'au XXe siècle, la France ne pourra plus se passer de l'idée élective de se voir, et de se vouloir, différente.
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Elle a fait la France de son vivant et plus encore pendant les siècles qui suivirent son martyre. Son irruption dans la guerre de Cent Ans change le cours de l'Histoire. Guidée par des voix qui lui intiment de bouter les Anglais hors du royaume, Jeanne devient la Pucelle, chef de guerre et héros politique. Elle communique sa hardiesse à ses compagnons d'armes et à Charles VII, qu'elle fait sacrer à Reims.
Mais sa renommée, jusqu'au-delà des frontières, ne se résume pas à sa vaillance. Elle est également édifiée par tous ceux qu'effraie la figure d'une femme prophétesse et guerrière : Jeanne d'Arc terrorise les Anglais et sans doute ses juges. Ils font d'elle une ' putain ribaude ' et une sorcière, la capturent, l'emprisonnent, la soumettent à un procès inique qui la condamne au feu.
C'est la construction d'un personnage maléfique que ce livre donne à lire, en interrogeant les sources à frais nouveaux. Le procès de condamnation, véritable tribunal d'inquisition, fabrique des chefs d'accusation pour déshonorer la Pucelle : son alliance avec le diable, ses échanges avec les démons, le signe mystérieux qu'elle aurait présenté à Charles VII pour le persuader d'asseoir son pouvoir légitime...
Pourtant, son courage et son supplice n'ont pas suffi à lui attirer la reconnaissance du roi. Pour lui, Jeanne d'Arc a en partie échoué dans ses prophéties comme dans la guerre.
Reste le peuple, dont on explore ici les croyances et les peurs ; car c'est le peuple qui restitue finalement à Jeanne d'Arc son honneur, avant que la légende ne s'en empare.
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Ils furent "les seigneurs du sang de France", "princes des fleurs de lys", seuls à pouvoir succéder au trône et à garantir la continuité dynastique de la royauté. Un sang doué d'une excellence particulière qui leur conférait un prestige propre. Mais il arrive que cette qualité suréminente entre en concurrence avec l'autorité du souverain, seul auteur de la loi et juge des hiérarchies temporelles. L'histoire de la monarchie est rythmée par des conflits nés de cette tension originelle entre deux systèmes de légitimité que le pouvoir royal n'a jamais vraiment réussi à apprivoiser.
La proximité des princes avec le roi en fait des rivaux potentiels, enhardit des "malcontents" qui oeuvrent pour un changement politique jusqu'à assumer leur devoir de révolte. D'où le dilemme que rencontrent tous les monarques : comment désarmer la dangerosité des princes sans diminuer l'ascendant de leur sang ? Ce livre explore l'histoire longue de cette ambiguïté, du Moyen Âge à la Révolution française, sur fond de conflits politiques, de querelles idéologiques, de frondes et de guerres civiles. Il met au jour les aménagements successifs entre un souverain absolu d'institution divine et des princes du sang qui se croient appelés à discerner l'ordre juste, avertir le monarque de ses manquements et le rappeler à la raison. On croise, chemin faisant, des personnalités singulières et des destins hors du commun, princes intrépides, princes philosophes, insoumis, séditieux, jusqu'au prince régicide qui votera la mort du roi.
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Son nom continue à résonner dans nos mémoires et à orner les murs de nos villes. C'est qu'il a incarné la France aux heures dramatiques de la Grande Guerre. Mais il y a plus. Si Clemenceau figure dans la galerie des "hommes ont fait la France", c'est qu'il s'est trouvé au carrefour de tous les grands événements de son temps : la débâcle de 1870, la Commune, le moment Boulanger, l'affaire Dreyfus, la marche vers la guerre, puis la victoire et ses lendemains désenchantés. Ce médecin de Montmartre devenu journaliste incisif, ce redoutable orateur mué en homme d'État, ce duelliste impénitent, ce séducteur insatiable, cet esprit universel qui aura tant vécu réussit à se trouver toujours au coeur de la vie nationale. Un Tigre aux mille vies.
Ce livre le suit dans sa longue quête du pouvoir et d'un idéal républicain. Il en restitue les tribulations et les métamorphoses. Ce qui rend sans pareil ce destin, c'est une aptitude à tirer de ses contradictions-mêmes une force qui ne cessera de le servir. Ce Vendéen tient la Révolution pour un "bloc" sans en épouser les excès. La République pour lui, c'est d'abord liberté et la justice, mais aussi l'ordre et, si besoin, l'impitoyable répression du désordre. Cet ancien rebelle, ce dreyfusard intransigeant réussit à soumettre les militaires au pouvoir civil et à réconcilier la France de Jeanne d'Arc avec celle de Valmy. Lui qui a personnifié la Revanche amènera néanmoins la France à composer avec les contraintes de la paix. Clemenceau, c'est unique, sait parler à tous les Français.
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Il a refait la France par deux fois. En 1940, à la suite d'un désastre militaire qui laisse un pays exsangue, déchiré, déboussolé. C'est l'heure du rebelle qui refuse la défaite. Il est presque seul, armé d'une volonté inflexible et de la certitude que la Résistance reste l'unique horizon et la condition même d'un retour de la nation à elle-même. Il n'en doutera jamais. La France libre est d'abord une affaire de résolution, politique et morale, qu'il saura incarner comme personne.
Il refait la France encore en 1958, dans la bourrasque d'une guerre d'Algérie interminable dont on n'arrive plus à concevoir l'issue. C'est maintenant l'heure du restaurateur. Sur les décombres d'un régime décomposé, il crée, fort d'un large soutien politique, une nouvelle république.
Michel Winock revisite ces deux moments où la France se trouve sommée de se réinventer. Il mesure le rôle que peuvent exercer les individus dans les infléchissements de l'histoire. Il interroge également le portrait d'un homme qui conjugue sans fard un audacieux esprit de réforme avec une notion aiguë de la continuité historique de la nation. Il lui est arrivé de prendre quelque licence avec la légalité, mais sans relâcher son attachement à la démocratie, seul fondement légitime d'un pouvoir enraciné dans la volonté populaire.
Comme celui d'autres grands hommes, le portrait de Charles de Gaulle paraît aujourd'hui irréductible à nos assimilations partisanes. Un demi-siècle après sa mort, il a fini par incarner ce qui nous unit encore.
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Robespierre reste une énigme, et une énigme qui soulève les passions. Il a ses admirateurs inconditionnels et ses détracteurs farouches. À la ferveur pour l' 'Incorruptible' des uns répond la répulsion pour le 'Tyran' sanguinaire des autres. Cette division reflète l'antagonisme
des mémoires de la Révolution française. 1789 et 1793 continuent de symboliser les deux faces contrastées de notre événement fondateur : le glorieux avènement de la liberté, d'un côté, et la dérive terroriste, de l'autre. Or Robespierre a pour originalité de faire le lien entre ces
deux visages. Le champion des droits du peuple à la Constituante est aussi le pourvoyeur de la guillotine de la Convention montagnarde.
Comment passe-t-on de l'un à l'autre? Rupture ou continuité?
C'est cette question classique que reprend ce livre. Il s'efforce d'y
répondre en scrutant minutieusement l'itinéraire de pensée que l'abondant discours robespierriste permet de reconstituer. Un parcours qui
éclaire le sens de l'événement révolutionnaire lui-même. Robespierre apparaît dans cette lumière comme l'homme qui a le plus intimement
épousé le principe de la 'révolution des droits de l'homme' qu'a été la Révolution française. Il est également celui qui a érigé la Terreur en instrument du règne de la Vertu, dans la tourmente de 1793-1794, en échouant, pour finir, à procurer une fondation durable au régime
politique que les droits de l'homme appelaient comme leur traduction.
En quoi ce parcours donne exemplairement à comprendre le problème que la Révolution a légué à la France et que, plus de deux siècles après, elle n'a toujours pas fini de résoudre.
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Napoléon comparait sa vie à un roman. Il en fut le héros et l'auteur. Seul ce roman nous reste. Depuis deux siècles, il continue à s'écrire sans lui. Et avec lui se perpétue ce "songe immense mais rapide comme la nuit désordonnée qui l'avait enfanté" dont parlent les Mémoires d'outre-tombe. Chateaubriand dit de Napoléon : "Il n'a pas fait la France, la France l'a fait."
Mais peut-être la France, au fond, Napoléon l'a-t-il faite par sa défaite autant que par ses victoires. Car, outre des institutions et des lois qui existent toujours, le vide qu'il laisse a duré plus longtemps que le monument qu'il avait édifié et dont ne nous demeurent que des vestiges et des symboles.
"Le soleil qui s'était levé à Austerlitz, écrit Hugo, se couche sur Waterloo." Avec le romancier des Misérables, les plus grands écrivains du passé sont venus visiter la légende obscure et éclatante sous la forme de laquelle, pour notre présent, cette histoire reste encore vivante.
Philippe Forest interroge l'aventure de cet homme, et de la France qu'il a faite, au miroir littéraire de l'épopée dont il nous a légué l'impérissable souvenir.
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Les hommes se sont toujours fait la guerre. Et des armées de penseurs n'ont cessé d'y réfléchir. Or même les plus grands d'entre eux n'ont à peu près rien à dire sur la guerre civile. Ce sont les philosophes surtout qu'elle a hantés, parce qu'elle déchire la vie commune jusqu'à mettre le corps politique en péril de mort. De Platon à Marx, de Cicéron à Machiavel, de Hobbes à Tocqueville, tous ont tenté de comprendre une guerre que chacun a connue.
La guerre civile, dont les définitions abondent au point de la rendre insaisissable, se résume le mieux dans sa proposition originelle : c'est la guerre que se font les citoyens. Les classiques de la Grèce et de Rome nous ont appris qu'elle se nourrit de l'inégalité et des dissemblances extrêmes. Mais une rupture se produit depuis le début de l'ère chrétienne, où s'impose l'évidence de l'universel, où les promesses d'un autre monde opposent les hommes. Désormais, la guerre civile prend une autre dimension. Ce livre explore les ondes continues de cet événement.
Il cherche dans la guerre civile anglaise la violente matrice du libéralisme. Avec Tocqueville, il croit trouver dans l'égalité la réponse que propose la démocratie pour remédier aux discordes. Il découvre avec Marx, contrepied absolu, une apologie de la seule "guerre juste", celle des travailleurs contre l'exploitation. Il revisite ces deux tragédies nationales, la guerre de Sécession, la guerre d'Espagne. Et il interroge "la guerre civile mondiale" dans laquelle, selon certains, nous serions entrés depuis un siècle. Autant dire que les tribulations de l'universel nous poursuivent toujours.
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Nos démocraties font des lois en abondance. Mais à force de légiférer, la raison d'être des lois a fini par nous échapper : souvent, elles répondent à nos attentes immédiates plutôt que de se mettre au service du bien commun. Pourquoi cette inadéquation des lois à l'esprit des lois ? Il faut remonter aux grands penseurs de la politique moderne, Montesquieu ou Rousseau, pour le comprendre. Ils ont placé la loi au coeur de l'action politique : se gouverner soi-même c'est avant tout légiférer. Mais ils n'ont pas livré le mode d'emploi de cet acte fondamental. D'autres ont tenté, avec plus ou moins de succès, d'armer la loi d'un discours de la méthode.
Ce livre reconstitue l'histoire de cette ambition prométhéenne : penser le travail du législateur à la fois comme oeuvre de la raison et comme activité empirique. Il revisite la loi des temps anciens et sa métamorphose, à l'épreuve de notre modernité politique, en une multiplicité de législations : autrefois le Prince faisait loi, aujourd'hui chaque législation nouvelle s'incorpore dans tout un système.
Nous ne pouvons nier notre dette envers les fondateurs d'une science de la législation, écrit Denis Baranger. Il reste que notre usage de la loi doit autant sinon plus aux praticiens du droit - magistrats, avocats, jurisconsultes - qui sont les porteurs d'un savoir bâti au fil d'une expérience indéfiniment remise sur le métier.
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C'est un mot qui passe pour intraduisible et qui renvoie aux traits distinctifs de notre histoire nationale. Les origines de la laïcité remontent aux guerres de Religion, où la puissance royale commence à s'émanciper de l'autorité de l'Église. C'est de cette crise originelle que part ce livre.
L'Édit de Nantes impliquait qu'on pouvait être bon Français sans être catholique. C'est cette brèche que Louis XIV va tenter de refermer avec la Révocation. Mais la monarchie absolue tire sa légitimité moins de ses fondements religieux que de sa rationalité administrative et de son pouvoir civilisateur. Avec la Révolution, la France cesse d'être un royaume catholique pour emprunter la voie qui mène à l'État laïque, dégagé de toute conception théologique.
Le conflit entre France catholique et France républicaine se poursuivra au XIXe siècle, où la IIIe République s'engage dans une laïcité militante, avant d'aboutir à la loi de 1905. Il prendra d'autres formes pour s'épuiser en 1984 avec la tentative avortée d'intégrer l'école privée catholique dans l'enseignement public.
Cependant, depuis les années 1960, l'évolution des moeurs érodait progressivement le consensus moral qui unissait croyants et incroyants, pour déboucher sur les controverses autour du "mariage pour tous" et de la procréation médicalement assistée.
À ces dissensions s'est ajouté un nouveau défi, l'émergence d'une religion, l'islam, qui pose à la laïcité des problèmes inédits et introduit au sein même de l'opinion laïque des divisions profondes.
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Les dernières années du XIXe siècle voient triompher la République. Une ère nouvelle commence. À Paris, les expositions universelles de 1889 et de 1900 donnent la mesure du progrès technique et industriel du pays. Mais la victoire des républicains et l'apothéose d'une nouvelle civilisation, urbaine, technique, matérialiste font naître un sentiment profond de décadence. Le mot court comme une traînée de poudre, répété par les intellectuels et repris dans les discours des premiers chantres du nationalisme. Hugo est mort. Barrès est né.
Écrivains, publicistes, journalistes rivalisent de pessimisme sur les temps modernes appauvris par la déchristianisation et hantés par la menace révolutionnaire en ces années de misère sociale. On dénonce les progrès de la société démocratique, que le naturalisme dans les romans a dépeinte dans toute son abjection. Resurgit alors le goût pour le morbide, les sciences occultes, l'érotisme faisandé, le satanisme... Voici venu l'époque des imprécateurs qui haïssent le siècle et annoncent la fin des temps. Décadence! Ce mot-là est associé en effet à la conviction séculaire, théologique, du grand coup de balai qui jettera le monde dans un abîme apocalyptique, d'où l'on espère voir sortir la régénérescence de l'humanité.
Dans cet ouvrage arborescent, Michel Winock explore les peurs, les angoisses, les découragements qui, sous le signe de la décadence, se révèlent également la source féconde d'un renouvellement littéraire et artistique, illustré par de grands auteurs, Barbey d'Aurevilly, Huysmans, Léon Bloy, Octave Mirbeau, Mallarmé, Georges Darien, Pierre Louÿs... La décadence représente aussi bien un état d'esprit et une disposition de l'âme qu'une esthétique.
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Qu'est-ce que le pouvoir dans la France de Richelieu et de Louis XIV ? Question redoutable, inépuisable, que repose ce livre. Arlette Jouanna interroge à frais nouveaux les caractères originaux de l'idéologie absolue comme système de légitimité construit au service d'un prince qui se veut investi par Dieu.
Au XVIIe siècle, après la terrible déchirure des guerres de Religion, la croyance en la sacralité du roi a fait de lui l'unique source du droit, ce qui tend à assimiler le légitime au légal. D'extraordinaire et dangereuse, la puissance absolue est devenue ordinaire et bénéfique ; l'art de gouverner y gagne une autonomie temporelle inédite et entame le lent processus de l'impersonnalisation de l'État.
Les résistances à cette révolution politique, qui marie droit divin et raison d'État, échoueront à s'imposer pendant la Fronde. Louis XIV saura incarner magnifiquement la majesté de l'État absolu ; mais sa force même d'incarnation finit par rendre opaque le lien entre pouvoir et justice. De là à le tenir pour un despote... Son règne marque à la fois l'apogée et le début du déclin de l'imaginaire sacral de la monarchie.
Le Prince absolu fait suite au Pouvoir absolu : Naissance de l'imaginaire politique de la royauté (2013). L'originalité de cette oeuvre est de mettre en miroir les fondements théoriques de la "religion royale" avec l'histoire en train de se faire, qui ne cesse de les modeler. Par où elle renouvelle et enrichit notre intelligence de l'histoire politique de l'Ancien Régime.
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Il fut l'homme le plus haï de la vie politique française. Mais son oeuvre, comme législateur et comme penseur de la République, continue à tisser nos vies.
Son idée de la France procède d'un constat douloureux : l'impossibilité de la République, depuis la Révolution française, à s'enraciner dans un pays perpétuellement divisé et à vaincre l'épreuve de la durée. Il faut donner aux Français une vision pacifiée de leur passé pour leur dessiner un avenir commun. Tâche immense. Grâce à l'École et au suffrage local, la politique doit pouvoir irriguer le plus chétif des villages ; avec l'aventure coloniale, la République comme civilisation doit pouvoir rayonner sur le vaste monde. C'est ce qui s'appelle refaire la France.
La singularité de Jules Ferry? C'est d'incarner tout à la fois l'autorité de l'État et l'autonomie de l'individu, l'accomplissement de la promesse républicaine et la critique du maximalisme républicain. Il veut faire vivre conjointement la nation comme héritage et la nation comme volonté - la tradition et la liberté.
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Savant indubitable, Ernest Renan (1823-1892) fut aussi un homme controversé. Après la publication de sa Vie de Jésus, l'ancien séminariste est devenu pour les catholiques "le grand blasphémateur". Bien que rallié tardivement au camp républicain, il allait être une des figures tutélaires que la IIIe République honora.
Trois questions guident le voyage qu'entreprend François Hartog sur les traces de Renan : l'avenir, la religion, la nation. Évolutionniste convaincu, Renan croit fortement à l'avenir, mais quel sera le devenir de l'idée même d'avenir ? Il pense que le christianisme a fait son temps, mais quelle sera la religion de l'avenir, puisqu'un avenir sans religion est inconcevable ? Forme politique de l'époque, la nation n'échappe pas non plus au travail du temps : quels seront l'avenir de la nation et celui de l'Europe ? Car dans le monde alors dominé par l'Allemagne, la question de la nation et celle de l'Europe sont liées.
Ces trois interrogations sont-elles encore les nôtres ? Dans la distance qui nous sépare de Renan et en nous servant de son oeuvre comme d'un prisme, que nous donnent-elles à voir de notre contemporain ? Jusqu'à il y a peu, l'avenir de Renan pouvait être encore le nôtre ; la religion, jusqu'à il y a peu, semblait être derrière nous ; la nation paraissait, elle aussi, une forme politique épuisée et en voie d'être dépassée. Et voici que tous ces thèmes reviennent et nous portent à reconsidérer ce que nous avons cru savoir de notre situation.
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Le pouvoir absolu épouse la longue histoire de la monarchie. On l'imagine souvent inscrit dans une logique immuable, jusqu'au procès d'indignité que vont lui intenter les Lumières. C'est cette double image de la continuité du système absolu et de son caractère fatalement subversif de toute justice que cet ouvrage met à mal. Absolu, écrit Arlette Jouanna, signifie la possibilité légale de transgresser les lois au nom d'une légitimité supérieure ; et cette idée du pouvoir, loin d'être immuable, n'a cessé de s'infléchir à l'épreuve des bouleversements qui agitent l'histoire politique de la royauté.
Avant les guerres de Religion, on l'ignore trop, le monarque ne pouvait déroger aux lois qu'au titre de l'exception et de l'urgence. Et, même délié des lois, il restait lié par la Raison, cet ordre juste que Dieu faisait régner dans le monde. Mais la déchirure religieuse, en désagrégeant la cohésion sacrale du corps politique, a fait perdre le sens de la correspondance - jusque-là si évidente - entre la cité céleste et la cité terrestre : seul le roi en personne pouvait désormais incarner l'unité des communautés désunies.
L'originalité radicale de la voie française aura été cette construction, à la fois intellectuelle et institutionnelle, d'un espace politique extérieur et supérieur aux passions humaines. Telle est la nouvelle figure du prince absolu, projeté loin au-dessus des sujets dans une proximité mystérieuse et solitaire avec Dieu. C'est
cette transcendance qui confère à sa volonté une autorité sans précédent, quasi sacrée, seule capable de tenir ensemble le royaume.
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La mafia naît sur les décombres du 'régime féodal' mais c'est avec l'avènement de la démocratie et du capitalisme qu'elle connaîtra son essor. Elle s'enracine très tôt à Naples, en Sicile, en Calabre et doit sa prospérité à des 'pactes scélérats' passés avec une fraction de l'élite politique et sociale - tel un pouvoir invisible qui va insidieusement corroder l'ordre social.
Ce livre reconstitue dans la durée l'histoire de ces sociétés secrètes et de leur expansion à travers le continent européen. Il visite leur berceau et en retrouve les premiers acteurs, aristocrates véreux, notables sans scrupules, fermiers parvenus, tueurs à la botte... Il interroge les accointances invisibles de ces 'sectes criminelles' avec la démocratie naissante et les suit dans leur conquête de l'Amérique. Il révèle aussi l'échec du fascisme à éradiquer une plaie mafieuse qui a su se jouer de son pouvoir totalitaire. Avec la guerre froide, on découvre la mutation affairiste des réseaux mafieux et la complexité de leurs méthodes pour parasiter l'économie libérale. C'est l'époque de l'explosion du trafic de drogue, de l'essor des paradis fiscaux, des compromissions de la banque vaticane et des scandales immobiliers, où se côtoient boss criminels, hommes politiques, industriels et financiers. Avec la chute du Mur, de nouvelles nébuleuses vont se faire jour en Europe, qui utiliseront ce 'modèle' pour conquérir d'autres territoires.
Le phénomène mafieux n'est pas consubstantiel à la démocratie, écrit Jacques de Saint Victor, et pas davantage au capitalisme ; mais il est le mieux à même de tirer profit des insuffisances de l'une et de l'autre.
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La place de Vico dans le siècle des Lumières, comme dans l'histoire des idées, est difficile à déterminer. Tenu à l'écart des courants dominants de son époque, il n'a été lu et étudié que bien après sa mort. Sa pensée n'a cessé depuis de faire l'objet d'interprétations diverses et contradictoires : certains la jugent tournée vers le passé, nourrie de l'humanisme grec et latin revivifié par le christianisme ;
d'autres y voient la préfiguration des grandes visions modernes de l'histoire. Son oeuvre, écrit Alain Pons, dépasse l'opposition entre Anciens et Modernes ; elle a l'ambition de fonder une science nouvelle, non pas du monde naturel mais du monde des hommes, sous la forme d'une étude des nations. Pour ce faire, le philosophe napolitain unit intimement deux savoirs distincts : une philosophie de l'esprit humain qu'il ne veut pas réduire à la pure raison, et une philologie qui explore le savoir historique accumulé depuis la plus lointaine Antiquité.
Cette lecture met en lumière la façon dont, selon Vico, naissent, vivent et peuvent mourir les nations, et comment se construisent chez elles les "choses humaines" - religions, langages, coutumes, lois, institutions politiques. Elle donne son relief à l'intuition fondamentale qui fait l'originalité du philosophe : c'est dans le temps de l'histoire et dans la vie des nations que l'homme accomplit
son humanité.
La Science nouvelle (1744) ouvre certaines voies dans lesquelles vont s'engager la philosophie moderne et les sciences humaines. Elle aide à comprendre les interrogations, les espoirs et les craintes que le destin des nations fait toujours naître.
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On a beaucoup écrit sur la journée des Dupes, souvent la même chose : un jour Richelieu est congédié, le lendemain il triomphe, élimine ses ennemis et poursuit son éclatante carrière au coeur des rouages du pouvoir monarchique. Mais cet épisode ne se réduit pas à la narration qui prétend le restituer. Il s'insère dans une suite d'événements, qui le produit et lui donne sens.
Christian Jouhaud reconstitue cette crise politique dans sa longue durée. Il en retrouve les protagonistes célèbres ou moins connus, scrute les décors et les lieux, met au jour les enjeux visibles, les passions dissimulées, les non-dits et les arrière-pensées. Défi lent ainsi sous un éclairage parfois surprenant les figures attendues de Louis XIII, roi de cérémonie et de violence, de la reine mère, d'un Richelieu tacticien de sa propre histoire autant que de la puissance de l'État ; mais encore les vaincus de cette crise, un Marillac, un Bassompierre, qui en portent témoignage du fond de leur défaite.
L'histoire du pouvoir politique n'a de meilleure voie d'accès que de disséquer l'Événement, comme dans une autopsie, pour en explorer les ramifications et les replis. Mais cette histoire n'est intelligible que dans les traces écrites qui disent les actions du pouvoir et dans le travail d'écriture conçu par le pouvoir pour s'inscrire dans le temps.
Prix Madeleine Laurain-Portemer 2015
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Il avait disparu de notre horizon politique. Voltaire en avait fait une infraction d'un autre âge. La Révolution française allait le congédier du domaine de la loi, pour l'ériger en "crime imaginaire". Et voici que le blasphème, notion si longtemps désuète, s'invite à nouveau dans notre vie publique, sourdement d'abord, puis au grand jour, dans le fracas des attentats sanglants de janvier 2015.
Ce "péché de bouche" a une longue histoire qu'il faut retrouver pour mieux comprendre comment, d'un siècle à l'autre, il s'est articulé à nos guerres civiles et à nos conflits idéologiques. Outrage religieux, crime identitaire, délit politique : le blasphème n'a cessé de se métamorphoser au gré des époques, avant de déserter, en 1791, nos manières de penser, puis de réapparaître voilà quelques années sous des atours inédits. C'est cette trajectoire que Jacques de Saint Victor restitue afin de rendre intelligibles les raisons et les enjeux du débat que le blasphème suscite aujourd'hui.
Son invocation récente, par certains, au nom du respect des "convictions intimes", met à l'épreuve un principe fondamental, propre à notre nation depuis des siècles, la liberté d'expression, et, au-delà, une manière singulière de s'entretenir des choses de la cité.
Prix 2016 du Sénat du livre d'histoire
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Avant l'âge des Lumières, on tolérait mal la religion des autres, ou alors avec réticence, comme une anomalie qu'il fallait souffrir sans l'accepter. La "tolérance des Modernes", élaborée par de grands penseurs comme Locke et Voltaire, renversait la perspective : elle mettait en place un système harmonieux de coexistence paisible entre les groupes les plus divers, tout en prônant de nouveaux droits - la liberté de conscience et la liberté d'exercer sa religion dans l'espace public.
Cette nouvelle conception n'allait pas de soi. Elle donne à voir des éléments précurseurs en des lieux aussi divers que l'Empire ottoman et le ghetto de Venise. Après de nombreuses querelles politiques et théologiques, elle s'est enracinée en Hollande, en Angleterre, en France et dans les colonies d'Amérique. Denis Lacorne observe les manifestations les plus récentes de la tolérance dans le monde contemporain, il en analyse les usages et les limites, qu'il s'agisse des symboles religieux, de monuments, de manières de s'habiller, de ce qu'il est permis de dire et de proférer.
De l'Europe au Nouveau Monde, les territoires de la tolérance n'ont cessé de s'étendre, des déistes aux athées, des baptistes aux quakers, des sikhs aux musulmans. Aujourd'hui la tolérance demeure une vertu contestée : le retour du religieux, la montée des fanatismes menacent le projet émancipateur des philosophes. Faut-il imposer des bornes à la liberté d'expression ? Doit-on tolérer les ennemis de la tolérance ? Pour y répondre, il nous faut redécouvrir cette grande tradition afin de mieux la défendre.
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Les États modernes se sont souvent fait la guerre. Ils ont eu également à subir - et à combattre - le terrorisme, confessionnel, anarchiste, politique, nationaliste... Mais face au djihadisme, ils se trouvent confrontés à un nouvel ennemi, évanescent et mondialisé, qui ne reconnaît ni frontières ni lois : l'arsenal juridique, militaire, policier, constitué au fil des siècles pour régler la violence paraît inadapté à la guerre contre le terrorisme.
Pour prendre la mesure du défi islamiste et envisager les réponses possibles de l'État de droit, cet ouvrage remonte aux manifestations lointaines des violences déréglées au sein des sociétés occidentales - la "belle mort" des Anciens, les croisades, les conflits de Religion, surtout, où protestants et catholiques se sont massacrés au nom de Dieu. François Saint-Bonnet retrouve les voies par lesquelles les Modernes réussirent à "civiliser" la violence ; l'État issu des guerres civiles a créé le dispositif très élaboré qui aura régi nos sociétés jusqu'à nous : sécularisation des institutions, défense des droits, édification des frontières, sécurité des citoyens.
C'est cet édifice que le djihadisme entend ébranler, au moment même où nos sociétés, happées par la globalisation, tendent à abandonner des piliers traditionnels du cadre de vie national. Comment dès lors résister à l'épreuve du terrorisme sans renoncer à l'État de droit ? Ce livre pointe, sans complaisance, les choix et les sacrifices auxquels nous expose cette guerre.
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