Après le Dit de Marguerite où la mère de Suzanne Prou évoquait ses années de jeunesse, ce sont « les enfances de Suzanne » que nous découvrons dans ce livre. Fille d'officier, Suzanne connaît, dès son plus jeune âge, l'existence vagabonde des militaires en garnison. C'est d'abord l'Algérie « française » des années trente, Biskra, la « petite rose du Sahel » et la citadelle de Djidgelli au bord de la mer, puis le grand départ pour l'Indochine. À sept ans, Suzanne appréhende le monde et ses merveilles au cours du long voyage qui la mènera de Marseille à Saïgon, avec des escales à Port-Saïd, Djibouti et Singapour. À Nam-Dinh, où la famille séjournera huit ans, c'est une nouvelle « enfance » qui commence pour elle. Tandis que les « grandes personnes » perpétuent les rites de la société coloniale, boivent des drinks et dansent le charleston, servies par des boys en veste blanche, la « petite Tonkinoise », elle, sera fascinée par un jardin enchanté, une nature dont l'exubérance, la beauté sensuelle s'accorderont aux premiers troubles de l'adolescence. Sans doute gardera-t-elle toujours au coeur la nostalgie d'un pays qu'elle ne reverra plus. Nostalgie d'un bonheur qui la fera vivre et nourrira secrètement son oeuvre.
Au pied du village de Suviane, en Provence, s'étend un pré humide où foisonnent les narcisses au printemps. C'est là qu'un colporteur a découvert le corps d'une jeune fille morte. Qui est-elle ? D'où vient-elle ? Et qui l'a tuée ? Autant de questions qui troublent les habitants du pays et en particulier deux adolescents, Arnaud et sa soeur jumelle, la narratrice. Unis par une tendre complicité (qui n'exclut pas la passion), ils mènent leur vie à eux, à l'écart de leurs parents et de Marie, la fille aînée, perdue dans ses rêveries sentimentales. Suzanne Prou excelle à nous restituer le climat de cette petite communauté provinciale dont les travaux et les jours se déroulent au rythme des saisons et des fêtes, désormais hantées par l'image de la belle inconnue et le souvenir du crime impuni. Et c'est, parallèlement, la découverte des premiers émois du coeur, des tourments de la jalousie que feront Arnaud et sa soeur, obsédés par la présence du mystère. Quand la vérité se dévoilera enfin, entraînant la folie et la mort, nous garderons comme eux la mémoire de ce « pré aux narcisses », dont l'odeur entêtante et lourde ressemble aux sortilèges de l'amour.
Adopter un enfant, c'est s'embarquer dans une grande aventure. La route est longue pour offrir à un enfant une nouvelle famille. Dans ce guide pratique, extrêmement documenté et fondé sur de nombreux témoignages, Camille Olivier trace, aux futurs parents, un chemin au travers de l'imbroglio juridique, des démarches innombrables, des attentes interminables, des espoirs déçus... qui peuvent finalement mener au sourire d'un enfant.
Depuis quelques années, l'adoption a changé de visage. La législation s'est considérablement modifiée ; les mentalités aussi. Les candidats à l'adoption acceptent, aujourd'hui, d'accueillir comme les leurs des enfants déjà grands, des frères et soeurs, des enfants de couleur venus de pays en voie de développement, de jeunes handicapés physiques ou mentaux.
Le jour de son départ en pré-retraite, Hélène Belmont se voit offrir par ses collègues de travail une superbe machine à coudre. Or, Hélène n'a aucune envie de devenir, à cinquante-huit ans, une championne du fil et de l'aiguille. Cette belle femme est encore débordante d'énergie. Elle a des projets. D'abord, elle fera le voyage de ses rêves en Méditerranée. Puis, elle renouera avec d'anciennes connaissances. Gérald, par exemple, qui dresse des crocodiles et un mouton vert pour des spots publicitaires. Si Hélène trouve, auprès de Gérald, la tendresse, l'amour et ce brin de folie nécessaires à son épanouissement, pas question pour elle de se laisser étouffer. Un beau jour, elle part s'installer en Provence. Et c'est là, dans un paisible petit hameau, qu'Hélène va découvrir un bonheur inattendu... À soixante ans, tout peut recommencer. À travers ces années-vermeil, Gabrielle Marquet n'évoque pas seulement un problème de notre temps. Elle retrace aussi, avec drôlerie, les méandres du destin d'une femme qui refuse d'être mise au rancart. Elle se bat, elle se démène. Pour elle-même. Pour les autres. Au nom de l'amour, au nom de la vie.
À seize ans, Jacob, orphelin de père, n'a qu'une idée en tête, s'engager dans la marine et parcourir le monde, comme son oncle, capitaine au long cours, mort dans une armoire, parce qu'il avait peur de l'orage... On le voit, le ton est donné, celui de l'humour, dès le départ de cette éducation sentimentale d'un garçon intrépide et rêveur qui étouffe dans sa petite ville natale, environnée de sapins et d'ennui, sous un ciel de pluie où seuls brillent, pour lui, l'amour d'Évelyne et l'amitié de Lakhdar, champion toutes catégories au jeu des osselets. À cet âge la vraie vie est ailleurs, faite des petits riens, que l'imagination transforme en aventures fabuleuses ou pathétiques. Les escapades en compagnie d'Argos, le bouledogue au grand coeur, les imprévus du métier de pompiste, la rencontre avec les mauvais garçons, et l'apparition de la mort sur le visage d'une vieille femme tendrement aimée. C'est elle, la mort, qui sonnera les matines pour frère Jacob, l'heure du grand départ, et de son entrée dans l'âge adulte. Composé avec une belle insolence, une savante désinvolture, cet adieu à l'adolescence, plein de drôlerie et d'émotion, marque un début éclatant dans la littérature romanesque.
Au quotidien, derrière les murs anonymes des cinq mille collèges de France, comment vit-on ? Les cours de récréation résonnent-elles comme naguère ? En est-on encore à l'ère de la dictée, de la "retenue" et des blagues contre le prof ? Quel regard les élèves portent-ils sur "l'échec" dont la presse se fait tant l'écho ?
En partant des questions, que se posent les parents inquiets et mal informés, ce livre propose une visite guidée du collège de la fin des années quatre-vingt.
État des lieux méthodique, il donne à voir ce qui s'y fait : discipline, programme, soutien des élèves, sélection, orientation, projets éducatifs... Il prend la mesure des changements qui s'opèrent : nulle réforme tapageuse, mais des tentatives partout, pour balayer une mauvaise image de marque. Les grands choix qui s'imposent aujourd'hui pour en faire le collège de l'an 2000, apparaissent d'eux-mêmes.
Guide, « Collège, mode d'emploi » livre les clés pour se repérer dans ce qui est, trop souvent, encore la grande forteresse de l'enseignement secondaire. Car, rien n'est possible sans les parents d'élèves.
Ce que je raconte ici, c'est ma vie, celle du salarié matricule 1437. 1437, ça n'était pas mon numéro de cellule, c'était mon numéro de poste. Pendant des mois, j'ai vécu sous pression. Ma profession ? Cadre restructuré. Un type suspect qui coûte plus cher que les employés de base. Qui finit par en savoir trop, et par devenir un danger. Bien sûr, la télévision n'a rien d'un monde paisible. Mais une épuration, au fond, se déroule partout de la même façon. Je n'y étais pas préparé. Il m'a fallu utiliser de drôles de moyens pour essayer de sauver ma peau. J'ai beaucoup changé depuis. Je ne suis pas sûr que ce soit en bien. Plongée inquiétante au coeur d'un grand groupe, où règnent violence et lâcheté, satire féroce des élites parisiennes, ce roman de la comédie humaine dans la France contemporaine, pourrait bien être à notre époque ce que L'imprécateur de René-Victor Pilhes fut aux années 70, et Le bûcher des vanités de Tom Wolfe aux années 80.
Johan se fait surnommer Hobo. Il vit de petits larcins, et son existence s'organise autour des trajets qu'il improvise sur le réseau de chemin de fer français, dont il connaît tous les secrets. Poussé par ses démons, pourchassé par ses souvenirs étouffants, Johan, la plupart du temps, ne peut oublier. Alors, il fuit à toutes jambes. Mais dans ces moments, justement, ses jambes ne le portent plus. Six ans d'errances, pour en arriver là. Antoine, Catherine, Séléna... Passé et présent s'entremêlent. Quant au futur ! L'amour s'échappe dorénavant devant lui à la vitesse d'un express, et la catastrophe n'est pas loin.
Il descendait le boulevard Raspail par le trottoir de gauche, dans l'ombre froide des immeubles en pierre, à cette heure indécise où les façades de Paris se parent, sous le soleil couchant, des reflets de l'Orient. Il portait les mêmes vêtements qu'autrefois, une veste froissée sur une chemise havane, un pantalon de flanelle, des mocassins en daim, et il marchait de ce pas lent, préoccupé, qui le distinguait de la foule, jadis, dans les ruelles de Palerme. Et tout reprenait forme, comme sous l'effet d'un dégel imprévu, dans sa façon de se mouvoir, si fluide, si maniérée, la cigarette coincée entre les doigts jaunis par le tabac. le temps qui se consume au bout de sa main. Était-ce bien lui, Ettore Saglieri, incurieux des autres, muré dans sa belle solitude, mais soudainement sans défense sur ce trottoir en pente ? Le narrateur, jeune envoyé spécial de l'Agence, est envoyé en reportage en Sicile, pour couvrir la lente agonie d'un notable. Avec lui, deux anciens, Saglieri, figure mythique du photo-journalisme, et Ganz. Peu après leur retour, Saglieri disparaît sans laisser d'adresse... Au plus loin du mythe du grand reporter, une vision monotone et mélancolique du métier de journaliste. Un livre antonionien, entre les paysages austères du Cri, le rêve d'une autre vie de profession reporter et l'enquête d'identification d'une femme.
Martine Aubry est la célébrité la plus inconnue de la vie politique française. Soucieuse de protéger son jardin secret, elle demeure un mystère. D'autant plus inaccessible, que son image publique est tout en contrastes : à la fois militante loyale et rétive à l'embrigadement des appareils, austère et facétieuse, sincèrement amicale et irrépressiblement médisante, le coeur dans l'idéalisme social et la raison dans le pragmatisme gestionnaire, un pied dans la gauche jacobine traditionnelle, et l'autre dans la deuxième gauche rénovatrice, suscitant la méfiance des syndicats et la révérence des patrons, dénigrée par les siens et saluée par ses opposants politiques, séductrice détestant la séduction, femme se méfiant du féminisme, elle constitue un paradoxe vivant. Comment cette éphémère ministre du Travail dans le gouvernement Cresson, n'ayant jamais affronté le suffrage des urnes jusqu'aux élections municipales de 1995, caracole-t-elle en tête des sondages d'opinion et incarne-t-elle l'espoir d'une relève ? Pourquoi cette étoile montante du Parti socialiste, est-elle demeurée au zénith de la popularité, au moment où son parti plongeait dans la disgrâce ? Le bilan effectif de son action sur le terrain justifie-t-il sa place dans le coeur des Français ? Ne fait-elle que parler de la politique autrement, ou applique-t-elle réellement une autre politique ? Pendant deux ans, Paul Burel et Natacha Tatu ont multiplié les entretiens avec Martine Aubry, son premier cercle familial et amical, ses partisans comme ses détracteurs, et se sont livrés à une enquête de terrain pour déchiffrer l'énigme Aubry. Ils brossent ici, avec probité intellectuelle et liberté de ton, un portrait biographique contrasté, passionnant, qui fourmille d'anecdotes et retrace deux décennies d'histoire de la question sociale en France.
Après plusieurs décennies de réformes scolaires, le scepticisme règne : même leurs promoteurs reconnaissent qu'elles ont échoué. La démocratisation n'a pas eu lieu et les nouvelles pédagogies sont impopulaires auprès des pédagogues. Mais ces autocritiques n'ébranlent pas les vieilles croyances : tronc commun, décentralisation, augmentation du nombre des diplômés. Ce qui change, ce sont les comportements des usagers de l'école : sous leur pression se forment, et se renforcent, des bastions protégés - grands lycées ou universités sélectionnistes, grandes écoles. Personne n'ose contester l'enseignement de masse, mais chacun s'efforce de lui échapper. Cette contradiction n'a rien de spécifiquement français : la coexistence d'un enseignement pour tous, aux critères de plus en plus incertains, et d'établissements élitistes, est presque la règle universelle. Le problème est plutôt de savoir si la France pourra faire exception, en préservant une école qui ne demeurera un instrument d'unité civique, qu'en maintenant ses exigences propres. Le présent essai met en lumière ce qui a fait l'originalité du modèle français, analyse la dynamique réformatrice qui a conduit aux difficultés actuelles, et explore les possibilités de sortir de l'ornière. Il montre que la démocratisation de l'école est une illusion, et un échec, quand on la poursuit sans égards aux conditions de survie de l'enseignement lui-même. Chacun admet aujourd'hui que la justice sociale n'est pas possible sans l'efficacité économique. De la même manière, la démocratisation culturelle doit être attentive aux conditions de survie de la culture. Cette vérité simple est encore à faire admettre.
Tout enfant naît barbare. Il revient à chaque société de lui faire subir un modelage qui en fasse un civilisé, selon sa propre interprétation de la civilisation. Aussi, le système d'éducation est-il un lieu privilégié d'observation du plus intime d'une société. L'âge classique français brille par le génie de ses créateurs, l'éclat de ses oeuvres et le nombre de ses imitateurs européens. Grâce à Jean de Viguerie, nous connaîtrons dorénavant les fondements de cette réussite. Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, la société française a mis en place, par l'intermédiaire de ses élites, un système complet d'éducation menant l'enfant du berceau à l'entrée dans la vie. L'école en est la pièce maîtresse. Une floraison extraordinaire d'initiatives pédagogiques, au niveau des principes, et encore plus au niveau des réalisations, tend à incorporer l'ensemble de la population à cette oeuvre d'éducation. L'Église, l'État, les communes, les provinces, tous les corps rivalisent entre eux, à qui accomplira le plus et le mieux. Par sa connaissance approfondie des sources, et son intelligence sympathique de ce monde révolu, Jean de Viguerie le fait revivre au long de ces pages. Il retrace, pas à pas, le chemin parcouru par des générations successives. En sa compagnie, nous devenons tour à tour écoliers dans une pauvre paroisse rurale, où nous apprenons notre abécédaire, collégiens des Jésuites et des Oratoriens, qui nous enseignent à imiter les anciens pour les dépasser, étudiants dans les universités ou les écoles militaires, qui nous préparent directement à notre futur métier Cet ouvrage, accessible à un large public, évoque une civilisation consciente de ses fins et ses moyens, qui contraste avec le tourbillon actuel d'interrogations et de réformes, où se perd notre système d'éducation.
À Malac, il y a dix-sept pendules qui n'en font qu'à leur tête. Elles vous façonnent des heures de toutes les tailles et c'est Nicolas, un employé de la mairie, qui doit les remettre dans le droit chemin de l'exactitude. Mais à peine a-t-il tourné le dos, qu'elles recommencent à battre la campagne. À Malac, il y a le vieux Titi Pissou qui raconte des histoires et dont on se demande s'il mourra un jour. Il y a des filles qui s'envolent, plus légères que des bulles de savon, un arbre à mots dans le jardin public et un revenant qui se balade tout nu au milieu de la ville. À Malac, il y a des gens comme vous et moi, Léonard, le colleur d'affiches ou Tropano, le gardien d'immeuble. Éloi, l'ancien instituteur qui traque les fautes d'orthographe sur les murs ou le pâtissier Ernest dont les gâteaux tournent de l'oeil. Il y a l'amour de Pauline pour Fred et Nicolas, l'amour de Fred pour l'eau des sources et la folie des frères Mochet, retranchés dans l'usine en faillite, celle précisément qui fabrique les pendules de Malac. À Malac, il y a... Mais on n'en aura jamais fini avec Malac et ses pendules, ses travaux et ses légendes. Une merveilleuse chronique pleine d'humour et de tendresse, où plusieurs voix se mêlent, frappantes de justesse et d'invention. Malac, c'est le pain des rêves qui nourrit notre vie de chaque jour. Allez-y, vous ne regretterez pas le voyage.
Un décor unique, celui d'une ville méridionale qui somnole dans le bruit des fontaines, à l'ombre des platanes. Un milieu, la bourgeoisie de province où se perpétuent les rites du qu'en-dira-t-on et qui survit à toutes les catastrophes de l'Histoire. Dans ce petit monde immobile et figé dans ses principes, voici Edmée avec sa soif de vivre, son goût du plaisir, fascinée par l'image de femme fatale à laquelle elle a choisi de ressembler, dès son adolescence. Edmée joue les « vamps » de cinéma, collectionne les amants, sème la mort et le désordre autour d'elle. Fidèle à sa chimère, elle traversera les années de la guerre et de l'occupation, se retrouvera seule dans le décor de sa jeunesse, entourée de ses « miroirs » où s'inscrit sa déchéance. C'est un portrait d'époque et l'histoire d'une folie que nous propose Suzanne Prou dans ce nouveau roman. Fidèle à sa manière, sur le ton apparemment détaché du constat, l'auteur de la Terrasse des Bernardini (Prix Renaudot 1 973) nous rend étrangement présente la destinée pitoyable de son héroïne. Un jeu de glaces où se perdent les illusions de la vie.
Ingénieur, engagé par une compagnie. Renaud doit participer au tracé d'une route dans un pays qui évoque l'Extrême-Orient, où il a vécu ses années d'enfance. Dès son arrivée, il est repris par les images d'un passé « glorieux » de bonheur et d'illusions, le charme désuet du décor, la présence obsédante de la nature. Rien n'a changé en apparence, mais la réalité peu à peu se dégrade. C'est la saison des pluies, qui enferme les hommes dans l'inaction. Une sorte de prison moite, étouffante, où les passions s'exaspèrent, provoquent des drames, au milieu des intrigues d'une petite communauté d'Européens, qui perpétue les rites d'une époque révolue. En butte aux réactions hostiles de ses compagnons, Renaud se sent de plus en plus isolé dans ce climat de mystère et d'incompréhension. À travers les femmes qu'il rencontre - l'énigmatique Mme Apape ou l'épouse du consul - revivent les figures de celles qui ont entouré son enfance, et le souvenir de sa mère passionnément aimée. Un voyage sans retour au pays des Femmes de la pluie. Après La Terrasse des Bernardini et Miroirs d'Edmée, Suzanne Prou change de registre apparemment. Elle nous donne ici un roman de la mémoire, nostalgique et prenant, où la nature et l'imaginaire tiennent le rôle de véritables personnages,
Dans une demeure solitaire, perdue au milieu d'un parc proche de Paris, une femme repose inanimée. Son coeur bat encore. Faiblement. Tandis qu'au loin retentit la sirène de l'ambulance qui l'emportera à l'hôpital. Ainsi commence le roman, avec la brutalité d'un fait divers dont l'issue ne nous sera dévoilée qu'aux dernières pages du livre. Qui a poussé la comédienne Gabrielle Perret à cet acte désespéré ? Comment le couple réputé modèle qu'elle formait avec François. un brillant avocat, a-t-il succombé sous les coups de « l'amour capital ». À l'occasion d'un banal adultère ? C'est par la voix de Léone Perret, la narratrice, que nous allons revivre les étapes du drame. Personnage ambigu, elle en a été le témoin et la complice involontaire. et saura nous en révéler la genèse. Jadis amoureuse de son cousin François. Léone a partagé avec lui les affres et les délices d'une adolescence provinciale, au sein d'une famille à principes, où règne en despote l'oncle Alexis. Monté à Paris, François y connaît la réussite sociale et découvre la passion avec Gabrielle, dont le caractère fantasque, la nature généreuse et expansive, tout entière dominée par le monde du théâtre, semblent le fasciner. Jusqu'au jour où, lassé d'un tête à tête exemplaire, surveillé par l'oeil jaloux de sa cousine. François redeviendra l'être désarmé et sans espérance de sa jeunesse, subissant auprès de Judith les charmes d'une autre fascination. Dès lors s'accomplira pour chacun le destin de L'amour capital, guetté par la mort, la solitude ou la folie. Renouvelant sa manière, mais toujours fidèle au sens tragique de la vie qui est source de son inspiration, Jeanne Champion nous donne, avec ce nouveau roman, écrit dans un style lapidaire et sans complaisance. Une oeuvre forte et tendre, dont le lecteur, comme les protagonistes, ne sort pas indemne.
L'école maternelle, non obligatoire, connaît en France un large succès. À l'origine, la maternelle n'était qu'un mode de garde facile et économique ; son rôle éducatif est aujourd'hui reconnu. Pourtant, cette école incontestée et réputée, reste encore mystérieuse pour bien des parents. Quand mettre son enfant à la maternelle ? À quel rythme ? Comment le préparer à sa première rentrée afin qu'il s'adapte le mieux possible ? Quels sont les grands buts de la maternelle ?... Ce livre ouvre les portes de la maternelle, et fait découvrir à tous ce qui s'y passe chaque jour, comment les enfants y vivent, ce qu'ils y apprennent. Plus encore qu'une description au jour le jour des années-maternelle, ce guide, en s'appuyant sur les expériences les plus novatrices, incite les parents à réfléchir sur les rôles respectifs et complémentaires de la famille et de l'école, pour un développement harmonieux, heureux et cohérent des petits enfants de deux à six ans.
Hier mythe à la mode, le tiers mondisme est aujourd'hui contrebattu et dénoncé. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les mouvements de libération nationaux (Viêt Minh, F.L.N. algérien, etc.) profitent de l'affaiblissement de l'Europe et de l'esprit du temps, ils imposent l'indépendance du monde asiatique et africain. L'européocentrisme, naguère triomphant, est contesté et rejeté. C'est l'émergence de peuples conquis, dominés, qui furent longtemps cantonnés dans ce que le grand écrivain mexicain Octavio Paz a nommé les faubourgs de l'histoire : qu'il s'agisse de l'Égypte, de l'Inde, du Maghreb, de l'Angola, du Mozambique, et autres. Leur réapparition violente, en tant que sujets de l'histoire active, est une réalité majeure de notre temps. Il n'est pas possible de sous-estimer l'importance de la fin de la période coloniale, de la prise de conscience des rapports Nord-Sud et de la situation particulière des pays d'Asie, d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Amérique latine (Chili, Bolivie, Brésil, etc.). Désormais, le reflux de l'idéologie tiers-mondiste est à peu près total. Ce phénomène est dû à une conjonction de facteurs : fin de l'illusion lyrique (Algérie, Cuba, Palestiniens, etc.) ; émergence d'États dont la nature est tyrannique ou totalitaire (Ouganda, Guinée, Cambodge de Pol Pot, Iran de Khomeny) ; oppression de minorités (Kurdes, comme hier Arméniens, etc.) ; développement économique médiocre, et réalités politiques aux antipodes le plus souvent des déclarations de principe. Ce reflux est aussi dû à une meilleure appréciation du totalitarisme soviétique, et de l'échec de l'utopie chinoise. Il est dû, enfin, aux conséquences multiples de la crise économique, et du renforcement de la puissance militaire de l'U.R.S.S. et de l'opposition qu'elle suscite (Afghanistan, Pologne, etc.). Le présent ouvrage évalue, pour la première fois, ces thèmes sans manichéisme et regroupe (dans une seconde partie) une série de textes, de 1965 à nos jours, qui retracent un itinéraire et une époque à travers le tiers monde.
Fléau de l'État ou soupape de sécurité économique, le travail noir, qualificatif imagé des activités clandestines, est à la une de l'actualité. C'est pourtant loin dans les siècles passés qu'il faut chercher ses racines, ainsi que le fait Alfred Sauvy en un historique coloré. En vérité, le travail noir est né avec la première loi sur le travail. Clandestin par nature, le travail noir se prête mal à évaluation. Or, ces activités souterraines se sont étendues dans tous les types de société, sous les formes les plus diverses, voire les plus déconcertantes. De la France, dont Alfred Sauvy analyse longuement la situation, à l'Italie, patrie du travail noir, en passant par la Suède, championne des vertus sociales, il n'est guère de pays qui échappe aux troubles de cette économie parallèle. Pas plus les États-Unis et leur libéralisme, que l'Union soviétique et sa planification, ou les pays en développement. Qu'il soit interdit, toléré, ou même encouragé, le travail noir a d'importantes conséquences économiques, sociales, politiques sur la vie d'un pays. Les avantages (pour l'économie) contrebalancent-ils les inconvénients (pour les finances de l'État) ? Comment l'opinion publique réagit-elle, surtout en période de crise ? Et le gouvernement ? Les migrations clandestines ne sont-elles pas, de toutes ces activités, celles qui, illustrant la marche amorcée du Sud vers le Nord, risquent de perturber le plus la planète ? À ces questions, Alfred Sauvy répond avec sa clarté et sa sagesse habituelles. D'un sujet qui nous concerne tous, mais que chacun a tendance à examiner sans recul, il montre les implications mondiales, sans jamais sacrifier l'anecdote et le pittoresque. Un ouvrage essentiel et passionnant.
La crise mondiale qui frappe la majorité des économies, depuis les années 1970, ne concerne pas seulement la production et les échanges, mais traduit également une inadaptation des représentations traditionnelles. La contribution principale de J.-M. Oury à cette critique, prend pour point de départ un diagnostic sans complaisance des infirmités essentielles des théories économiques dominantes qui se révèlent, selon lui, incapables d'expliquer comment les activités d'un commerçant, d'un voyageur ou d'un courtier, deviennent source de richesse dans nos systèmes sociaux complexes. Cette enquête le conduit à placer la notion de vigilance au coeur de l'analyse des processus économiques. Il en résulte une révision de nos repères familiers. Ainsi, l'économie politique de la vigilance substitue-t-elle le concept de décision à celui de bien, en développant un cadre d'analyse dynamique rigoureusement relativiste, dont les deux idées maîtresses sont celles de plus-value locale et de crise locale. L'auteur montre, par cette approche, que la logique qui guide la conduite d'un fabricant, a peu de chance de coïncider avec celle du vendeur du même produit. Si, cependant, l'entreprise survit à leur affrontement, ce n'est pas par l'opération miraculeuse d'une logique englobante qui les concilierait, mais plutôt par le travail efficace de leur vigilance réciproque. L'économie politique de la vigilance, ne constitue pas une théorie au sens strict du terme, mais elle fournit les éléments d'une problématique originale, qui ne manquera pas de stimuler l'imagination de tout lecteur attentif aux réalités économiques contemporaines.
Inflation non maîtrisée, chômage incontrôlé, parité monétaire non tenue : autant de symptômes du même mal. Tour à tour sont interpellés, et mis en cause, le banquier, le fonctionnaire, le chef d'entreprise, le syndicaliste, qui sont en réalité davantage les victimes, que les véritables responsables d'une situation qui leur échappe. L'érosion de la monnaie, la désorganisation des échanges, et le désordre de la production sont-ils désormais inévitables ? Ce n'est pas ce que pense Jean Saint-Geours, ancien directeur du Crédit Lyonnais, qui démontre dans cet ouvrage que la crise actuelle n'est ni le fruit d'un hasard, ni le résultat d'une politique déterminée, mais la conséquence d'un abandon progressif de l'économie aux lois aveugles du laissez-faire. Le propos de l'auteur ne s'arrête pas cependant à ce constat. Il prolonge son diagnostic par un traitement. Au libéralisme myope des quinze dernières années, devrait succéder une économie du vouloir fondée sur une maîtrise des mécanismes économiques au moyen d'une planification décentralisée, d'un contrôle hiérarchisé des revenus, et d'une régulation modulée du crédit. Aussi éloignée des utopies révolutionnaires que des expédients conservateurs, la voie tracée par Jean Saint-Geours est celle d'un réalisme courageux et sans concession.
Économiste de formation et fonctionnaire international de carrière, Pol Quentin-Radlé a, lors de ses nombreux voyages en Chine Populaire, posé sur ce pays fascinant le regard d'un observateur attentif et averti. Son livre est essentiel pour tous ceux, industriels, étudiants, ou simples curieux, qui souhaitent percer quelque peu le mystère de l'économie chinoise. Car, dans ce domaine, pourtant étroitement lié à l'organisation de la vie quotidienne, les dirigeants se montrent avares d'informations et de statistiques. L'auteur a pu réunir des éléments et des chiffres inédits en France, et provenant de différentes sources. Il propose une approche concrète, tant des questions monétaires, industrielles, scientifiques et commerciales, que de l'existence des 850 millions de citoyens auxquels le gouvernement a réussi à assurer une protection - contre l'inflation, aussi bien que la famine et les catastrophes naturelles. Cette réussite économique n'a rien de miraculeux. Elle se fonde sur des données techniques précises. Aujourd'hui, après onze ans de Révolution culturelle, la Chine change de cap. C'est la revanche des gestionnaires et des économistes sur les politiques, des managers sur les idéologues. Priorité est donnée à la modernisation, à la productivité. Le pays s'ouvre au monde extérieur. Mais la Chine de Hua ne va-t-elle pas se placer dans la même situation que les pays capitalistes ? La question reste posée. La Chine, demain, sera peut-être l'égale des plus grands, notamment dans le domaine de l'exportation pétrolière. Aucun industriel à la recherche de marchés nouveaux, aucun futur visiteur de la Chine ne peut l'ignorer. L'ouvrage de Pol Quentin-Radlé représente, pour eux, un guide précieux.
Ingres ne passait pas son temps à jouer du violon, non plus que Lamartine à légiférer, ou l'élève à buissonner. Et, cependant, la vie ne prend son plein sens que par des échappées. Désertant, au fil du temps, statistiques et taux de croissance, Alfred Sauvy a musé, durant sa longue vie, tantôt sur ce mystère social appelé l'humour, tantôt sur l'artifice naturel qu'on nomme le théâtre, tantôt sur la nature accidentée qu'est le politique. Quelques-unes de ces charmantes évasions sans loi ni fin, constituent ce recueil, où se révèle l'exquis jardin secret tout de fantaisie et de naïveté, d'un homme à la parfaite rigueur de raisonnement.
Dans les sables, un enfant. Seul. À des milliers de kilomètres de là, un homme, devant un appareil de radio. Entre les deux, un fil ténu : la voix humaine. S'engage un dialogue, tendu, émouvant, dont la chaleur seule relie l'enfant au monde : Marc, où est-ce que vous vous trouvez ? - Je ne sais pas au juste ; il faisait noir quand ça s'est passé ; maintenant, il n'y a plus de maisons, ni de gens, ni rien... - Ne quitte surtout pas l'écoute : je vais lancer les recherches. Qui est cet enfant ? Qui est cet homme ? Ce drame en dissimule-t-il un autre ? C'est l'art subtil et maîtrisé de Michel Friedman, de nous dévoiler, peu à peu, le mystère pathétique d'une enfance singulière.