De quel type d'information sur le monde, les propositions énoncées par l'économie théorique sont-elles porteuses ? Cette interrogation constitue la trame de l'enquête sur les fondements de la discipline économique menée par Christian Schmidt. Utilisant conjointement les ressources de l'histoire, et les enseignements récents de la philosophie des sciences, l'auteur s'attache à dégager sa spécificité, par-delà les analogies trompeuses avec d'autres savoirs. Il la découvre dans une synthèse périlleuse, entre les logiques de l'action sociale, et l'étude des systèmes de production et de répartition de la richesse.
À partir de ce constat initial, s'organisent les principales thèses exposées dans l'ouvrage. La syntaxe du langage économique, dont l'élaboration emprunte les formes de l'axiomatisation, se développe au détriment d'une sémantique encore indigente. L'auteur propose de renverser l'ordre des priorités, et de promouvoir une méthodologie rigoureuse de l'interprétation. La normativité qui affecte certains de ses énoncés, n'est pas synonyme d'arbitraire, mais requiert un traitement logique approprié. La confrontation directe des hypothèses, déduite des modèles théoriques aux matériaux statistiques fournis par les observations économétriques, se révèle impossible. Elle impose donc la construction de modèles intermédiaires, encore peu explorés.
La sémantique économique en question propose ainsi une réorientation en profondeur de la recherche théorique. Mais son propos n'est pas seulement programmatique. Il fourmille d'exemples variés. Le calcul économique, la logique des préférences individuelles et collectives, l'analyse de la production et la théorie de la consommation se trouvent, tour à tour, reconsidérés dans cette perspective. En questionnant la sémantique, Christian Schmidt nous livre, en définitive, les éléments d'une réponse originale à des problèmes traditionnels mal posés.
Les Essais sur la théorie du chômage constituent un prolongement direct de Réexamen de la théorie du chômage dans deux directions complémentaires : celle de la dynamique de courte et de moyenne période, par la prise en compte de l'incidence de la répartition des revenus sur l'emploi, et celle des relations inter-industrielles, par l'intermédiaire de l'étude des effets réciproques des contraintes d'emploi différentes selon les secteurs d'activités. Ces approfondissements conduisent Edmond Malinvaud à introduire la notion de profitabilité, à examiner la nature de ses liens avec le sous-emploi, et à dégager l'idée d'une distribution des revenus appropriée. Cette analyse débouche sur une esquisse d'enchaînements dynamiques, théoriquement possibles, à partir de l'accumulation du capital. Deux d'entre eux retiennent, plus particulièrement, l'attention de l'auteur : la dépression keynésienne et le sous-emploi classique transitoire. Mais, le principal mérite de cet ouvrage réside peut-être moins dans la rigueur et la profondeur des idées, coutumières sous la plume d'Edmond Malinvaud, que dans une tentative courageuse pour tester un cadre théorique d'analyse à l'épreuve des réalités françaises contemporaines. S'appuyant sur un ensemble d'études économétriques variées, le directeur de l'I.N.S.E.E. montre comment notre pays a, depuis 1965, traversé des périodes de chômage keynésien, de sous-emploi classique et d'inflation continue. Il suggère, en conclusion, plusieurs pistes intéressantes pour expliquer les déséquilibres observés en France et met, en particulier, l'accent sur le rapport entre le coût du travail et le coût d'usage du capital. Ces essais représentent donc un ouvrage indispensable, pour quiconque cherche à comprendre les causes du chômage en France et à évaluer les différentes thérapeutiques qui lui sont appliquées.
La prise en compte des anticipations des agents économiques, dans les travaux de prévision et dans la définition des politiques économiques, constitue l'une des innovations majeures de l'analyse économique récente. Bernard Walliser montre, cependant, que ce souci n'est pas nouveau, puisqu'il était déjà manifeste dans les écrits de Keynes et de Merton. Mais c'est avec la théorie - dite des anticipations rationnelles - que culminent les recherches, qui ont conduit à une formulation rigoureuse de cette importante question.
L'ouvrage de Bernard Walliser expose clairement cette théorie, en soulignant ses limites et ses insuffisances. Il montre qu'il s'agit d'un cas très particulier, dont le domaine d'interprétation se trouve limité par les hypothèses simplificatrices de la rationalité économique. C'est pourquoi, il entreprend l'investigation des divers processus d'apprentissage des anticipations sur les représentations des agents, en substituant - à la définition traditionnelle de la rationalité économique - l'acceptation moins restrictive et plus réaliste d'une rationalité « locale ».
La portée des résultats nouveaux, mis en évidence par l'auteur, ne reste pas seulement théorique. Ils éclairent directement l'action des décideurs, en dégageant la nature logique des relations entre les modèles « privés », qui guident implicitement les agents particuliers et schéma global qui sert de référence au modélisateur. Un ouvrage important, pour tous ceux qui réfléchissent aux moyens de contrôler les processus économiques.
Un endettement international que rien n'arrête, un déficit budgétaire américain record, et un solde négatif sans précédent de la balance des États-Unis, autant de signes inquiétants qui caractérisent, aujourd'hui, une économie mondiale qui vit largement à découvert. Le propos de cet ouvrage consiste à rechercher la trame reliant entre eux ces différents symptômes, afin de dégager les conditions véritables de la crise de la régulation par l'endettement qui s'est progressivement substituée au non-système monétaire international. L'auteur montre avec clarté comment l'économie américaine, centre d'un processus financier international, cesse depuis peu de garantir l'équilibrage du système, en aspirant à son avantage les capitaux internationaux, au lieu d'alimenter les liquidités mondiales. Quelles sont les conséquences de cette forme pernicieuse de dérégulation financière internationale ? Du côté des pays en développement, on assiste à un cycle infernal d'endettement permanent, dont les multiples procédures de consolidation et de refinancement n'aboutissent qu'à reporter les échéances, en frôlant à tout moment une rupture, dont nul ne peut précisément identifier l'apparition. Mais le mécanisme n'épargne pas non plus certains pays industrialisés comme la France, qui est, à son tour, entrée de manière plus discrète dans un régime insidieux d'endettement auto-entretenu, avec la cohorte de ses effets néfastes sur ses relations extérieures. Pour maîtriser cette nouvelle économie mondiale à découvert, Henri Bourguinat préconise la lucidité, qui commence par une appréhension sans complaisance du phénomène. Il suggère ensuite un recours à des méthodes de gestion financières et monétaires, tout à la fois plus rigoureuses et plus imaginatives. Son ouvrage ne pousse pas seulement un cri d'alarme, il contribue également à éviter le pire.