La guerre d'Algérie, qui débute en novembre 1954, amène Sartre à réfléchir sur la colonisation, la décolonisation, le terrorisme, la torture et la censure. Au cours des années suivantes, il continue à s'interroger sur le communisme, sans pour autant délaisser les arts. Il publie une préface à un ouvrage de Cartier-Bresson, 'D'une Chine à l'autre', un article pour la revue de la galerie Maeght sur la peinture de Giacometti, un premier fragment d'une importante biographie existentielle consacrée au Tintoret. Enfin, en 1958, avec la préface au Traître, l'auteur de La nausée trace un portrait en miroir de son ami et collaborateur des Temps Modernes, André Gorz.
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"Le roman ne donne pas les choses, mais leurs signes. Avec ces seuls signes, les mots, qui indiquent dans le vide, comment faire un monde qui tienne debout ? Car un livre n'est rien qu'un petit tas de feuilles sèches, ou alors une grande forme en mouvement : la lecture. Ce mouvement, le romancier le capte, le guide, l'infléchit, il en fait la substance de ses personnages ; un roman, suite de lectures, de petites vies parasitaires dont chacune ne dure guère plus qu'une danse, se gonfle et se nourrit avec le temps de ses lecteurs. Mais pour que la durée de mes impatiences, de mes ignorances, se laisse attraper, modeler et présenter enfin à moi comme la chair de ces créatures inventées, il faut que le romancier sache l'attirer dans son piège, il faut qu'il esquisse en creux dans son livre, au moyen des signes dont il dispose, un temps semblable au mien, où l'avenir n'est pas fait. Si je soupçonne que les actions futures du héros sont fixées à l'avance par l'hérédité, les influences sociales ou quelque autre mécanisme, mon temps reflue sur moi ; il ne reste plus que moi, moi qui lis, moi qui dure, en face d'un livre immobile. Voulez-vous que vos personnages vivent ? Faites qu'ils soient libres."
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"Il y a une crise de l'essai. L'élégance et la clarté semblent exiger que nous usions en cette sorte d'ouvrages, d'une langue plus morte que le latin : celle de Voltaire. Mais si nous tentons vraiment d'exprimer nos pensées d'aujourd'hui par le moyen d'un langage d'hier, que de métaphores, que de circonlocutions, que d'images imprécises : on se croirait revenu au temps de Delille. Certains comme Alain, comme Paulhan, tenteront d'économiser les mots et le temps, de resserrer, au moyen d'ellipses nombreuses, le développement abondant et fleuri qui est le propre de cette langue. Mais alors, que d'obscurité. Tout est recouvert d'un vernis agaçant, dont le miroitement cache les idées. Le roman contemporain... a trouvé son style. Reste à trouver celui de l'essai. Et je dirai aussi celui de la critique ; car je n'ignore pas, en écrivant ces lignes, que j'utilise un instrument périmé que la tradition universitaire a conservé jusqu'à nous."
Jean-Paul Sartre.
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Septembre 1944. Les années de plomb sont finies, Sartre a à coeur d'en rendre compte. Ses articles sur le sujet sont en fait les premières manifestations de son engagement dans la vie publique, que confirmera la parution du premier numéro des Temps Modernes. "Paris sous l'Occupation" est écrit à l'intention des Français qui ont combattu en liaison avec l'Angleterre ; un autre article, "Une grande revue française à Londres", est peu connu : il s'adresse cette fois à ses compatriotes qui ont subi l'Occupation, il les informe sur les activités guerrières des combattants de La France libre, dont ils savent encore peu de chose.
Janvier 1945 : Sartre est l'un des heureux reporters choisis par deux quotidiens pour un séjour aux États-Unis encore en guerre : "Les uns me disent : "Tenez-vous-en aux faits"... Et les autres, au contraire : "Prenez du recul"... Cette Amérique, peut-être que je la rêve. En tout cas je serai honnête avec mon rêve : je l'exposerai tel que je le fais."
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"Je cherche donc la morale d'aujourd'hui... J'essaye d'élucider le choix qu'un homme peut faire de soi-même et du monde en 1948."
Dans cette recherche, Sartre devait rencontrer le problème de la vérité sous un jour particulier ; il l'avait déjà abordé dans ses Cahiers pour une morale (1947-1948) ; quelques mois plus tard il recevait De l'essence de la Vérité, traduction d'une conférence de Martin Heidegger, récemment parue. Il est possible que la lecture de l'opuscule, auquel il fait allusion, l'ait incité à préciser sa propre conception de la vérité et qu'il ait eu, un moment, l'intention de publier Vérité et existence. C'est en tout cas, parmi les écrits posthumes de sa maturité, le seul, à notre connaissance, qui se présente comme un texte complet. Pour l'auteur de L'Être et le Néant, il s'agit d'évaluer le rôle de l'idée de vérité dans l'intersubjectivité des existants - comme l'indique le titre, qui est sien.
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L'importance de l'oeuvre dramatique de Sartre, la place prééminente qu'elle occupe dans l'histoire du théâtre contemporain ne sont pas à démontrer. C'est à son théâtre, plus qu'à ses romans, ses essais ou ses ouvrages philosophiques, que Sartre, dès la fin de la guerre, a dû sa célébrité internationale. Bon nombre de gens pour qui Sartre est sans conteste l'un des plus grands écrivains de notre époque n'ont lu de lui que l'une ou l'autre de ses pièces. Le succès de celles-ci est demeuré constant. Ce théâtre appartient à l'histoire littéraire de notre temps : il y fait figure de classique. On l'étudie dans les lycées, dans les universités. Il était donc nécessaire de fournir au public des lecteurs et des étudiants un livre maniable, qui contienne les documents essentiels à sa compréhension.
Sartre est le seul auteur dramatique français à s'être posé dès 1943 la question du théâtre politique. La réflexion sur les conditions d'un tel théâtre passe nécessairement par lui. Les documents rassemblés ici ont un intérêt qui n'est pas exclusivement historique ; ils se proposent comme éléments d'un débat qui tient à la double fonction du théâtre : fonction imaginaire, fonction sociale, qui ne sont pas étroitement liées à des conjonctures politiques et esthétiques. Si le théâtre de Sartre continue de tenter comédiens et metteurs en scène, c'est bien qu'il interroge le rapport des hommes entre eux dans des situations extrêmes.
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