"Trahir qui disparut, dans La disparition, ravirait au lisant subtil tout plaisir. Motus donc, sur l'inconnu noyau manquant - "un rond pas tout à fait clos finissant par un trait horizontal" - , blanc sillon damnatif où s'abîma un Anton Voyl, mais d'où surgit aussi la fiction. Disons, sans plus, qu'il a rapport à la vocalisation. L'aiguillon paraîtra à d'aucuns trop grammatical. Vain soupçon : contraint par son savant pari à moult combinaisons, allusions, substitutions ou circonclusions, jamais G.P. n'arracha au banal discours joyaux plus brillants ni si purs. Jamais plus fol alibi n'accoucha d'avatars si mirobolants. Oui, il fallait un grand art, un art hors du commun, pour fourbir tout un roman sans ça !"
Bernard Pingaud.
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"Il y a dans ce livre deux textes simplement alternés ; il pourrait presque sembler qu'ils n'ont rien en commun, mais ils sont pourtant inextricablement enchevêtrés, comme si aucun des deux ne pouvait exister seul, comme si de leur rencontre seule, de cette lumière lointaine qu'ils jettent l'un sur l'autre, pouvait se révéler ce qui n'est jamais tout à fait dit dans l'un, jamais tout à fait dit dans l'autre, mais seulement dans leur fragile intersection.
L'un de ces textes appartient tout entier à l'imaginaire : c'est un roman d'aventures, la reconstitution, arbitraire mais minutieuse, d'un fantasme enfantin évoquant une cité régie par l'idéal olympique. L'autre texte est une autobiographie : le récit fragmentaire d'une vie d'enfant pendant la guerre, un récit pauvre d'exploits et de souvenirs, fait de bribes éparses, d'absences, d'oublis, de doutes, d'hypothèses, d'anecdotes maigres. Le récit d'aventures, à côté, a quelque chose de grandiose, ou peut-être de suspect. Car il commence par raconter une histoire et, d'un seul coup, se lance dans une autre : dans cette rupture, cette cassure qui suspend le récit autour d'on ne sait quelle attente, se trouve le lieu initial d'où est sorti ce livre, ces points de suspension auxquels se sont accrochés les fils rompus de l'enfance et la trame de l'écriture."
Georges Perec.
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C'est dans les derniers mois de sa vie que le peintre Serge Valène conçut l'idée d'un tableau qui rassemblerait toute son expérience : tout ce que sa mémoire avait enregistré, toutes les sensations qui l'avaient parcouru, toutes ses rêveries, ses passions, ses haines viendraient s'y inscrire, somme d'éléments minuscules dont le total serait sa vie. Il représenterait l'immeuble parisien dans lequel il vivait depuis plus de cinquante-cinq ans. La façade en serait enlevée et l'on verrait en coupe toutes les pièces du devant, la cage de l'ascenseur, les escaliers, les portes palières. Et comme dans ces maisons de poupées dans lesquelles tout est reproduit en miniature, les carpettes, les gravures, les horloges, les bassinoires, il y aurait dans chaque pièce les gens qui y avaient vécu et les gens qui y vivaient encore et tous les détails de leur vie, leurs chats, leurs bouillottes, leur histoire...
30 prêts - 60 mois
La vie quotidienne d’un jeune couple des années soixante issu des classes moyennes, l’idée que ces jeunes gens se font du bonheur, les raisons pour lesquelles ce bonheur leur reste inaccessible – car il est lié aux choses que l’on acquiert, il est asservissement aux choses.
En bonus : Présentation par Benoît Peeters du roman, de sa place dans l'oeuvre de Perec et de sa postérité.
« Il y a, dira Georges Perec, entre les choses du monde moderne et le bonheur, un rapport obligé. Une certaine richesse de notre civilisation rend un type de bonheur possible : on peut parler, en ce sens, comme d’un bonheur d’Orly, des moquettes profondes, d’une figure actuelle du bonheur qui fait, je crois, que pour être heureux, il faut être absolument moderne. Ceux qui se sont imaginé que je condamnais la société de consommation n’ont vraiment rien compris à mon livre. Mais ce bonheur demeure un possible ; car, dans notre société capitaliste, c’est : choses promises ne sont pas choses dues. »
Durée : 03H32
© Éditions Julliard, Paris, 1965, 1997, 2015. © et (P) Audiolib, 2016
20 prêts - 84 mois
«Ce que moi, Georges Perec, je suis venu questionner ici,
c'est l'errance, la dispersion, la diaspora.
Ellis Island est pour moi le lieu même de l'exil,
c'est-à-dire
le lieu de l'absence de lieu, le non-lieu, le nulle part.
c'est en ce sens que ces images me concernent, me
fascinent, m'impliquent,
comme si la recherche de mon identité
passait par l'appropriation de ce lieu-dépotoir
où des fonctionnaires harassés baptisaient des
Américains à la pelle.
ce qui pour moi se trouve ici
ce ne sont en rien des repères, des racines ou des
traces,
mais le contraire : quelque chose d'informe, à la
limite du dicible,
quelque chose que je peux nommer clôture, ou scission,
ou coupure,
et qui est pour moi très intimement et très confusément
lié au fait même d'être juif»
25 prêts - 3650 jours
"Tu as vingt-cinq ans et vingt-neuf dents, trois chemises et huit chaussettes, quelques livres que tu ne lis plus, quelques disques que tu n'écoutes plus. Tu n'as pas envie de te souvenir d'autre chose, ni de ta famille, ni de tes études, ni de tes amours, ni de tes amis, ni de tes vacances, ni de tes projets. Tu as voyagé et tu n'as rien rapporté de tes voyages. Tu es assis et tu ne veux qu'attendre, attendre seulement jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à attendre : que vienne la nuit, que sonnent les heures, que les jours s'en aillent, que les souvenirs s'estompent."
C'est en ces termes que le narrateur s'adresse à lui-même, "un homme qui dort", qui va se laisser envahir par la torpeur et faire l'expérience de l'indifférence absolue.
25 prêts - 3650 jours
L'espace de notre vie n'est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se courbe, où il se déconnecte et où il se rassemble ? On sent confusément des fissures, des hiatus, des points de friction, on a parfois la vague impression que ça se coince quelque part, ou que ça éclate, ou que ça se cogne. Nous cherchons rarement à en savoir davantage et le plus souvent nous passons d'un endroit à l'autre, d'un espace à l'autre sans songer à mesurer, à prendre en charge, à prendre en compte ces laps d'espace. Le problème n'est pas d'inventer l'espace, encore moins de le ré-inventer (trop de gens bien intentionnés sont là aujourd'hui pour penser notre environnement...), mais de l'interroger, ou, plus simplement encore, de le lire ; car ce que nous appelons quotidienneté n'est pas évidence, mais opacité : une forme de cécité, une manière d'anesthésie.
C'est à partir de ces constatations élémentaires que s'est développé ce livre, journal d'un usager de l'espace.
G. P
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De temps à autre, il est bon qu'un poète, que n'effraie pas l'air raréfié des cimes, ose s'élever au-dessus du vulgaire pour, dans un souffle épique, exalter notre aujourd'hui. Car ne nous y trompons pas : ces courageux jeunes gens qui, au plus fort de la guerre, ont tout tenté (en vain, hélas !) pour éviter l'enfer algérien à un jeune militaire qui criait grâce, ce sont les vrais successeurs d'Ajax et d'Achille, d'Hercule et de Télémaque, des Argonautes, des Trois Mousquetaires et même du Capitaine Nemo, de Saint-Exupéry, de Teilhard de Chardin...
Quant aux lecteurs que les vertus de l'épopée laissent insensibles, ils trouveront dans ce petit livre suffisamment de digressions et de parenthèses pour y glaner leur plaisir, et en particulier une recette de riz aux olives qui devrait satisfaire les plus difficiles.
25 prêts - 3650 jours
Que me demande-t-on, au juste? Si je pense avant de classer? Si je classe avant de penser? Comment je classe ce que je pense? Comment je pense quand je veux classer? [...]
Tellement tentant de vouloir distribuer le monde entier selon un code unique; une loi universelle régirait l'ensemble des phénomènes: deux hémisphères, cinq continents, masculin et féminin, animal et végétal, singulier pluriel, droite gauche, quatre saisons, cinq sens, six voyelles, sept jours, douze mois, vingt-six lettres.
Malheureusement ça ne marche pas, ça n'a même jamais commencé à marcher, ça ne marchera jamais.
N'empêche que l'on continuera encore longtemps à catégoriser tel ou tel animal selon qu'il a un nombre impair de doigts ou des cornes creuses.
G.P.
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Ces « je me souviens » ne sont pas exactement des souvenirs, et surtout pas des souvenirs personnels, mais des petits morceaux de quotidien, des choses que, telle ou telle année, tous les gens d'un même âge ont vues, ont vécues, ont partagées, et qui ensuite ont disparu, ont été oubliées : elles ne valaient pas la peine d'être mémorisées, elles ne méritaient pas de faire partie de l'Histoire, ni de figurer dans les Mémoires des hommes d'Etat, des alpinistes et des monstres sacrés. Il arrive pourtant qu'elles reviennent, quelques années plus tard, intactes et minuscules, par hasard ou parce qu'on les a cherchées un soir, entre amis : c'était une chose qu'on avait apprise à l'école, un champion, un chanteur ou une starlette qui perçait, un air qui était sur toutes les lèvres, un hold-up ou une catastrophe qui faisait la une des quotidiens, un best-seller, un scandale, un slogan, une habitude, une expression, un vêtement ou une manière de le porter, un geste, ou quelque chose d'encore plus mince, d'inessentiel, de tout à fait banal, miraculeusement arraché à son insignifiance, retrouvé pour un instant, suscitant pendant quelques secondes une impalpable petite nostalgie. G.P.
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1957. Georges Perec a vingt-et-un ans. Il est un étudiant (en histoire) qui n'étudie plus. Il voudrait écrire, n'y parvient guère. En juin 1956, il commence une psychanalyse. Fin juillet 1957, il part pour la Yougoslavie. Le 8 septembre, à peine revenu, il rédige dans l'urgence un roman tout imprégné de son expérience yougoslave, L'Attentat de Sarajevo. C'est un galop d'essai mené au galop. C'est, littéralement, son premier " Cinquante-trois jours ". Tel Stendhal dictant La Chartreuse de Parme en cinquante-deux jours, il dicte le livre à une de ses anciennes camarades du lycée d'Étampes. Le tapuscrit, perdu, n'a été retrouvé qu'après sa mort.
Lecteur, c'est avec un Perec inattendu que tu vas faire connaissance. Frôlant le roman d'analyse psychologique, esquissant une histoire d'amour et de jalousie, c'est avec le scénario Hamlet que se débat l'auteur-narrateur, un " je " quasiment au premier degré, oscillant entre récit autobiographique et fiction.
L'attentat de 1914 fit s'embraser l'Europe ; celui de 1957 reste un fantasme, dont le narrateur, en bon flaubertien, ne serait sans doute pas loin de penser que c'est " ce que nous avons eu de meilleur ".
Dans les multiples branches de l'arbre Perec, beaucoup de lecteurs se sont délectés à grimper ou se nicher. En voici une des racines. Elle plonge loin – dans des terreaux que Perec n'a plus guère remués par la suite.
Ce roman se trouve publié près de soixante ans après sa rédaction. L'édifice Perec est dorénavant bien connu. Il nous importe donc de mieux savoir sur quelles fondations il s'est construit.
Claude Burgelin
Roman inédit, L'Attentat de Sarajevo est le onzième titre de Georges Perec publié dans " La Librairie du XXIe siècle ", au Seuil.
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Les journaux parlent de tout, sauf du journalier. Les journaux m'ennuient, ils ne m'apprennent rien. [...]
Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons, le reste, tout le reste, où est-il ? Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l'évident, le commun, l'ordinaire, le bruit de fond, l'habituel, comment en rendre compte, comment l'interroger, comment le décrire ? [...]
Peut-être s'agit-il de fonder enfin notre propre anthropologie : celle qui parlera de nous, qui ira chercher en nous ce que nous avons si longtemps pillé chez les autres. Non plus l'exotique, mais l'endotique.
Georges Perec
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Notre éminent concitoyen Hermann Raffke, de Lübeck, n'est pas seulement célèbre pour l'excellente qualité de la bière qu'il brasse avec succès dans nos murs depuis bientôt cinquante ans ; il est aussi un amateur d'art éclairé et dynamique, bien connu des cimaises et des ateliers des deux côtés de l'Océan. Au cours de ses nombreux voyages en Europe, Hermann Raffke a su rassembler avec un discernement éclectique et sûr tout un ensemble d'œuvres d'art anciennes et modernes dont maints musées du Vieux Continent se seraient volontiers parés et qui n'a pas à l'heure actuelle son équivalent dans notre jeune contrée [...] Hermann Raffke a su nous donner la preuve la plus éclatante de son triple attachement à la peinture, à notre ville, et à l'Allemagne, en commandant au tout jeune peintre Heinrich Kürz, dont nous sommes fiers de préciser qu'il est né à Pittsburgh de parents wurtembourgeois, le portrait qui le représente, assis dans son cabinet de collectionneur, devant ceux de ses tableaux qu'il préfère. [...]
Plus de cent tableaux sont rassemblés sur cette seule toile, reproduits avec une fidélité et une méticulosité telles qu'il nous serait tout à fait possible de les décrire tous avec précision. [...]
Un cabinet d'amateur n'est pas seulement la représentation anecdotique d'un musée particulier ; par le jeu de ces reflets successifs, par le charme quasi magique qu'opèrent ces répétitions de plus en plus minuscules, c'est une œuvre qui bascule dans un univers proprement onirique où son pouvoir de séduction s'amplifie jusqu'à l'infini, et où la précision exacerbée de la matière picturale, loin d'être sa propre fin, débouche tout à coup sur la Spiritualité vertigineuse de l'Éternel Retour.
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Du Condottière, Perec dit qu'il est " le premier roman abouti " qu'il parvint à écrire. Plus d'un demi-siècle après sa rédaction (1957-1960), trente ans après la mort de Perec, le 3 mars 1982, on va pouvoir enfin découvrir cette œuvre de jeunesse, égarée puis miraculeusement retrouvée.
Gaspard Winckler, le héros de ce roman, s'est voué depuis des mois à réaliser un faux Condottière qui rivalise à tout point de vue avec celui du Louvre, peint par Antonello de Messine en 1475. Prince des faussaires, il n'est pourtant que le simple exécutant d'un commanditaire, Anatole Madera.
Tel un roman policier, la première page du livre s'ouvre sur l'assassinat de Madera par Winckler. Pourquoi ce meurtre ? Pourquoi Gaspard Winckler a-t-il échoué dans son projet d'égaler Antonello de Messine ? Que cherchait-il en devenant un virtuose du faux ? Que voulait-il capter dans l'image de maîtrise et d'énergie donnée par le visage de ce guerrier ? Pourquoi vit-il l'assassinat de Madera comme une libération ?
Le thème du faux parcourt toute l'œuvre de Perec. Le personnage de fiction nommé Gaspard Winckler apparaît dans La Vie mode d'emploi et W ou le souvenir d'enfance. Le dernier roman publié du vivant de Perec, Un cabinet d'amateur, est une éblouissante construction autour des sortilèges de la copie et du faux.
Le Condottière permet d'entrevoir les enjeux de cette quête : comment, en se débattant avec le faux, parvenir à la conquête du vrai.
Roman inédit, Le Condottière est le dixième titre de Georges Perec publié dans " La Librairie du XXIe siècle " au Seuil.
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Parodie, pastiche, charge, caricature ? Laissons au lecteur le soin de caractériser d'un nom chacun des textes ici rassemblés, et qui révèlent une figure parfois ignorée de Perec, celle du savant.
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Je sais, en gros, comment je suis devenu écrivain. Je ne sais pas précisément pourquoi. Avais-je vraiment besoin, pour exister, d'aligner des mots et des phrases ? Me suffisait-il, pour être, d'être l'auteur de quelques livres ? [...] Avais-je donc quelque chose de tellement particulier à dire ? Mais qu'ai-je dit ? Que s'agit-il de dire ? Dire que l'on est ? Dire que l'on écrit ? Dire que l'on est écrivain ? Besoin de communiquer quoi ? Besoin de communiquer que l'on a besoin de communiquer ? Que l'on est en train de communiquer ? L'écriture dit qu'elle est là, et rien d'autre, et nous revoilà dans ce palais de glaces où les mots se renvoient les uns aux autres, se répercutent à l'infini sans jamais rencontrer autre chose que leur ombre.
G. P.
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Vous avez lu quelque part que la lettre la plus fréquemment utilisée de la langue française était la voyelle " e ". Cela, bien sûr, vous a semblé injuste, et même intolérable, et vous avez décidé d'agir.Vous avez donc pris un dictionnaire de la langue française et vous avez recueilli tous les mots " sans e ". Vous vous en êtes servi pour raconter une histoire que vous avez appelée, évidemment, La Disparition. Néanmoins, vous n'étiez pas entièrement satisfait. Il vous semblait que vous n'aviez fait que la moitié du chemin. Vous avez donc récidivé, en prenant, cette fois-ci, les mots ne comportant que la voyelle " e ", c'est-à-dire les mots " sans a ", " sans i ", - " sans o " et " sans u " (" y " est une semi-voyelle et mérite un traitement particulier). Vous vous en êtes servi pour raconter une histoire qu'à juste titre vous avez intitulée Les Revenentes.Vous serez peut-être surpris de constater que vos deux ouvrages se ressemblent par de nombreux traits bien qu'ils n'aient aucun mot en commun.
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" Vœux (il s'agit de petits textes, généralement fondés sur des variations homophoniques, tirés à une centaine d'exemplaires et envoyés à mes amis à l'occasion de la nouvelle année). "
Georges Perec.
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Entre 1959 et 1963, Georges Perec et quelques-uns de ses amis échafaudèrent longuement un projet de revue littéraire, baptisée La Ligne générale, en référence au film d'Eisenstein. Le groupe de La Ligne générale fut une nébuleuse aux contours incertains : une à quelques dizaines de participants, tous fort jeunes (de dix-huit à moins de trente ans), très majoritairement étudiants, assez souvent membres du parti communiste, plus souvent encore en proximité conflictuelle avec lui. De cette revue qui ne vit jamais le jour, les plus substantiels morceaux épars sont présentés ici, ceux qui furent rédigés partiellement ou totalement par Georges Perec. Si La Ligne générale perecquienne pécha par idéalisme intellectualiste, ses modèles n'avaient rien de desséché. Dans un mélange d'optimisme et de volontarisme, ces textes disent un rêve d'épanouissement, de vie élargie que désigne ce mot de " bonheur " qui revient avec insistance. " Bonheur " dont étaient cherchées les images, contradictoires ou non, autant dans la vie chantée et dansante de la comédie musicale américaine que dans le grandiose eisensteinien ou encore dans le rire de Rabelais, Swift ou Queneau.
A travers les textes de ce volume, on voit se mettre en place les pilotis sur lesquels Perec va édifier son œuvre, avec une remarquable continuité dans choix des fils conducteurs. Des romans aussi divers que Les Choses, Un homme qui dort, W ou le souvenir d'enfance et La Vie mode d'emploi sont des odyssées de la conscience qui trouvent ici une de leurs origines.
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Hommage personnel, écrit de circonstance, contrainte littérale : trois grandes traditions de la poésie occidentale se rejoignent dans ces Beaux présents, qui explorent de façon variée les potentialités littéraires d'alphabets restreints et poursuivent les recherches inaugurées en 1969 par Georges Perec avec son roman sans e, La Disparition.
Renouant avec les plus anciennes joies combinatoires de l'anagramme, Georges Perec les renouvelle, les systématise et les enrichit dans l'esprit d'une féconde poétique du manque. Au-delà du déchiffrement et de l'anecdote, ces pièces de patient et amical artisanat textuel invitent à la découverte d'un lyrisme généreux autant que discret.
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Une première image de L'Augmentation peut être fournie par ces casse-tête - type Tour de Hanoï, baguenaudiers, boîtes à secrets ou cubes de Varga - dont la solution implique des mouvements de plus en plus complexes (...).
L'augmentation (incrementum) est aussi une figure de rhétorique, qui consiste à empiler des séries d'arguments pour emporter la conviction.
Une augmentation est enfin, image banale du quotidien, ce que souhaite obtenir un employé quand il va trouver son chef de service.
C'est au carrefour de ces trois acceptions, issues, l'une des mathématiques amusantes, l'autre de la rhétorique classique (...), la troisième de la vie quotidienne, que cette pièce a trouvé sa place.
Bâtie autour de cinq personnages parcourant tour à tour le même itinéraire labyrinthique à la recherche d'une vérité qu'ils n'ont pas le droit de formuler (...), La Poche Parmentier n'est ni une pièce de théâtre, ni une pièce sur le théâtre, mais plutôt un jeu sur cette convention fragile et fascinante qui fait se rassembler pour une ou deux heures quelques spectateurs qui, sur l'espace faussé de la scène (ce lieu clos auquel il manquera toujours le quatrième mur), font comme s'il n'y avait personne en train de les regarder faire semblant de vivre.
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La vie quotidienne d'un jeune couple des années soixante issu des classes moyennes, l'idée que ces jeunes gens se font du bonheur, les raisons pour lesquelles ce bonheur leur reste inaccessible – car il est lié aux choses que l'on acquiert, il est asservissement aux choses.
" Il y a, dira Georges Perec, entre les choses du monde moderne et le bonheur, un rapport obligé. Une certaine richesse de notre civilisation rend un type de bonheur possible : on peut parler, en ce sens, comme d'un bonheur d'Orly, des moquettes profondes, d'une figure actuelle du bonheur qui fait, je crois, que pour être heureux, il faut être absolument moderne. Ceux qui se sont imaginé que je condamnais la société de consommation n'ont vraiment rien compris à mon livre. Mais ce bonheur demeure un possible ; car, dans notre société capitaliste, c'est : choses promises ne sont pas choses dues. "
Prix Renaudot 1965.
Édition du cinquantenaire.
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Un roman emblématique mis en scène dans une création numérique originale. L'intégralité du texte de Georges Perec enrichi d'animations graphiques, sonores et typographiques. Une expérience de lecture inédite, pour découvrir, relire ou offrir un des chefs-d'œuvre de la littérature française, paru en 1965, et qui n'a rien perdu de sa modernité.
Deux jeunes gens, Sylvie et Jérôme, à peine sortis de leurs études de sociologie, vivent sur leurs maigres revenus d'enquêteurs pour des agences publicitaires. Mais leurs aspirations au luxe, aux belles choses, aux vêtements de bonne finition, aux meubles racés, à une vie d'oisiveté dans un décor où chaque détail serait pensé, s'opposent à la trivialité de leur vie réelle : un minuscule deux-pièces où s'entassent pêle-mêle livres, disques et vêtements achetés aux Puces, un métier peu reluisant, une incapacité à donner de l'envergure à leur existence. Pourquoi le bonheur leur semble-t-il aussi inaccessible ? Est-ce parce qu'il ne peut échapper, selon eux, à la condition de posséder des " choses " ?
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