La planète n'abrite plus de terres inconnues, le temps des découvertes semble achevé. Pourtant, il ne l'est pas : de nouveaux Nouveaux Mondes s'ouvrent à l'exploration. Ils ne sont plus attachés à des territoires mais ont surgi depuis peu sous l'effet des avancées de la science, de la technique et de l'économisme conquérant.
Ces mondes en formation sont ceux où les sciences de la vie accomplissent leur progression inouïe, où opèrent les automates et les systèmes intelligents issus de l'informatique, où les techniques de la communication développent continûment leurs réseaux, où l'imagination accède aux univers du virtuel. Une même logique les allie, celle d'un Grand Système planétaire qui s'impose et s'étend, révélant le vrai visage de la mondialisation.
De ces mondes nous sommes à la fois les indigènes - nous leur appartenons en les produisant - et les étrangers - ils nous dépaysent par ce qu'ils introduisent d'inédit, par la puissance qui s'y déploie.
Cet ouvrage en propose une première exploration. Il signale les ruptures, les enjeux et les risques, il identifie nos incertitudes et nos craintes. Car commencer à connaître l'oeuvre de ce Grand Système, c'est déjà retrouver une part d'initiative face aux emballements incontrôlés du pouvoir-faire.
Georges Balandier, écrivain et professeur à la Sorbonne, s'est longtemps intéressé en anthropologue aux pays en voie de développement, puis s'est tourné vers l'étude de notre société contemporaine en s'interrogeant notamment sur les dimensions sociales et culturelles de la modernité. Il est l'auteur d'une trentaine de livres, dont plusieurs sont devenus des classiques.
Cette longue réflexion sur les dynamiques sociales s'appuie sur le travail scientifique d'un grand anthropologue. Les mutations observées, dans tous les types de société, ont un sens dont la puissance s'exprime grâce à la participation effective d'un plus grand nombre d'acteurs sociaux. Contrôle mutuel de la puissance et création collective de sens, tel est le message de l'auteur.
« Le politique ne se supprime pas, il se dégrade. Il laisse alors un vide où s'expriment la plainte et l'attente d'un autre monde. C'est dans ce vide aussi que la violence fait irruption et réveille le sentiment d'insécurité. »Dans ce court essai, Georges Balandier se penche sur l'effacement du politique au coeur de nos démocraties, il décrypte cette perte à la fois dans l'histoire de la Ve République et dans l'analyse du mal-être démocratique. Il lit la disparition du politique sous l'éclairage des différences, en opposant « pouvoir gouvernant » et « pouvoir du symbolique », en constatant la nécessaire référence à l'espace, au territoire politique ; en montrant la démocratie sous l'aspect de la civilisation en action. En considérant, à partir de la tragédie de janvier 2015 à Paris, la confrontation du besoin de sécurité avec le désir démocratique.Un bref détour par l'anthropologie politique, par des références de l'ailleurs, donne à ce parcours son orientation et sa force singulière. Anthropologue, sociologue et écrivain, Georges Balandier, 95 ans, est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages de référence sur les mythes et les « tendances » des sociétés traditionnelles et contemporaines.
Toutes les sociétés sont confrontées au désordre, leur ordre en est indissociable. Celles que la tradition gouverne encore se définissent elles-mêmes en termes d'équilibre, de conformité, de stabilité relative; elles se voient comme un monde à l'endroit où le désordre peut avoir des effets négatifs et mettre toute chose à l'envers. On tente de faire de l'ordre avec du désordre, de même que le sacrifice fait de la vie avec de la mort, de la loi avec de la violence domestiquée par l'opération symbolique. Puisqu'il est irréductible, inévitable et nécessaire, la seule issue est de l'utiliser à sa propre et partielle neutralisation et de le convertir en facteur d'ordre. Il devient ainsi l'instrument d'un travail positif.
La modernité, c'est le mouvement plus l'incertitude; elle avive la conscience de désordre. Le recours à l'explication par le désordre manifeste la réalité présente en certains de ses états: il révèle la quasi impossibilité de la comprendre autrement, il relève de la logique constitutive des mythes contemporains. Une exploration interprétative, sociologique et anthropologique permet d'identifier des figures actuelles du désordre _ l'événement brutal, l'épidémie et le mal, la violence et le terrorisme, le politique déforcé _ et des formes de réaction à l'irruption du désordre _ la réponse totale ou totalitaire, la réponse de la personne par le sacré, la réponse des pragmatiques par le mouvement.
En ouverture à cet essai, une mise en perspective qui place successivement le couple ordre-désordre dans ses rapports au mythe, à la science et au savoir social. Au terme, un éloge du mouvement, afin de dissiper les craintes et de mettre en garde contre les tentatives d'exploiter la peur confuse qu'il nourrit. La pensée de ce temps, située en ce temps, conduit inévitablement à penser le mouvement.
Georges Balandier, sociologue, anthropologue,écrivain, enseigne principalement à la Sorbonne et à l'EHESS. A partir de l'expérience anthropologique (Afrique ambiguë, Anthropologie politique, Anthropologiques), il explore maintenant les espaces de la modernité(Le Pouvoir sur scènes, le Détour).
Des générations ont à la fois fait et défait l'époque. Elles l'ont faite par la victoire des technologies et la transmission de l'« intelligence » aux machines. Elles l'ont défaite en cédant à la fascination de la puissance, en subissant la fatalité du tragique, ensuite en perdant la maîtrise de la Grande Transformation provoquée. Des générations neuves émergent dans une surmodernité continûment accélérée qui ne laisse rien en l'état. Le tournant s'effectue, à la fin du siècle passé, avec l'extension inouïe d'une réalité dite numérique, avec la transfiguration vitaliste de l'espérance.
Les uns s'égarent dans les nouveaux temps, ils savent en utiliser les moyens, mais méconnaissent ce qu'ils y deviennent : ce sont des usagers. Ils s'allient à des machines complexes, à des systèmes experts, ils restent pourtant attachés à la pensée d'hier pour gouverner aujourd'hui. Les autres naissent avec les mondes émergents qui produisent l'époque : ce sont les leurs. Ils subissent cependant les maux d'une transition abandonnée à des puissances cachées. Ils ne supportent plus, s'indignent ou se révoltent, ils refusent le carnaval des apparences, ils explorent de nouveaux commencements.
A sa façon, ce texte est un discours à la jeunesse et une ouverture proposée à l'espoir.Anthropologue, sociologue et écrivain, Georges Balandier, 91 ans, est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages de référence sur les mythes et les "tendances" des sociétés traditionnelles et contemporaines.
Les présents entretiens, qui ne sont pas conduits à la façon d'une pure conversation, font dire ce qu'est le savoir en sciences humaines et sociales rapporté à un long parcours de recherche et d'engagement. Ils ont leur source dans une interrogation du monde et de l'Histoire, l'un saisi dans sa diversité, l'autre dans ses turbulences.
Ce parcours est celui de Georges Balandier. Il accompagne la traversée d'une oeuvre qui, commencée avec l'anthropologie des sociétés de l'ailleurs, mène à l'interprétation actuelle de la surmodernité mondialisante : on y mesure l'itinéraire accompli, depuis les premiers travaux sur la « situation coloniale », le « tiers monde » et les libérations africaines, jusqu'aux interrogations portant sur le « grand dérangement » des sociétés contemporaines. On y mesure également la fracture anthropologique effectuée au tournant du XXe siècle et l'entrée subreptice dans un nouvel Âge, avec l'émergence rapide de « nouveaux nouveaux mondes » dissociés de la géographie et issus de la « grande transformation » continûment à l'oeuvre depuis trois décennies. Ces mondes, nous les habitons dans un dépaysement croissant, à tel point qu'ils en deviennent un autre ailleurs, engendré cette fois par les contemporains.
Les scènes du pouvoir ne sont pas désertées, elles sont changeantes et occupées autrement, par des figures elles-mêmes changeantes. Les médiacrates et les fabricants de l'opinion publique relèvent maintenant de l'ordre établi, ordinaire, trop bien connu. Le temps de leur pouvoir neuf est déjà passé. Des partenaires concurrents en ont limité l'influence : des experts établissent la pâle gouvernance, des machines étendent la puissance et la logique des systèmes informatisés.
L'écran informatique réduit la suprématie de l'écran cathodique, affaiblit l'emprise politique de la presse. Il ne suffit pas, cependant, d'attendre d'une façon d'e-politique qu'elle assure le bon gouvernement d'une façon d'e-société. Ni le désamour, ni la défiance et le mal-être des assujettis n'en seront apaisés.
Ce livre nouveau considère la Grande Transformation qui met le politique à l'épreuve, comme tout chose. L'union de la technoscience et de l'économisme financier engendre continûment de la puissance, sans éclairer le devenir, toujours obscur. Le technométissage de l'homme contemporain rend son humanité plus indécise. La figure politique se brouille alors que l'imprévisible, l'urgence, la violence progressent, alors que la démocratie s'anémie et que les civilisations s'affrontent.
Ce livre n'annonce pas la disparition du politique. Il énonce une obligation : conduire la politique à l'intelligence de son temps et la replacer sur la scène d'une histoire justement gouvernée.
Je déteste l'enfermement.
Je n'ai pourtant pas eu souvent à en souffrir. Ma traversée personnelle du siècle m'a emporté dans les turbulences d'une Histoire qui laissait peu de répit à l'histoire personnelle. Et d'autant moins que rien ne m'incitait à rechercher l'abri des accommodements ou les itinéraires paisibles. Mon choix, celui d'un métier qui mène à la découverte des cultures de la différence, à la connaissance des autres exprimant autrement leur présence au monde et leur appartenance au mouvement historique, m'a fait sortir de l'enclos de ma propre culture.
C'est cette conjugaison des engagements auxquels l'événement me conduisait et d'une vie dispersée sur plusieurs continents qui singularise mon trajet, depuis la grande agitation des années 1930 jusqu'à la guerre et à la Résistance dans un maquis de Franche-Comté, jusqu'à la décolonisation et aux ruptures "surmodernes" accomplies durant les dernières décennies. Elle n'a jamais cessé de me provoquer au renouvellement. Elle m'a tiré hors des routines en entretenant ma passion des rencontres, de l'inattendu, des dépaysements de l'intelligence et de la sensibilité. Elle a surtout éclairé ma façon d'agir et d'être solidaire de ceux qui, ici et ailleurs, refusaient l'abandon à la fatalité.
Ce livre allie à sa façon les apports de l'autobiographie et la forme des antimémoires. Il fait du récit d'une vie la matière d'une réflexion qui donne un sens, pour soi et les autres, à un parcours du siècle. C'est ce qui justifie de l'avoir écrit et de le proposer en partage.
G.B.
Ce temps pourrait être celui des effacements et des crises, des illusions brisées et des incertitudes. Il est aussi celui des contrastes, de la poussée aux extrêmes. Aux conquêtes des sciences s'opposent des défaillances de l'économie et la dépréciation des pouvoirs, à l'affaiblissement des institutions, les essais de créativité qui révèlent le besoin de nouveaux repères, de nouveaux remèdes.
Crise profonde, il y a assurément. Mais cette crise n'est pas que ruines et désespérance. Elle est d'abord mouvement, de destruction et de déstructuration comme d'émergence de nouveauté et d'inédit. Phase de transition, elle bouscule les valeurs et les hiérarchies, le droit, la justice, la sauvegarde des personnes et des biens. De ce désordre sortiront peut-être une société et une culture encore mal identifiées. Aussi Georges Balandier entreprend-il une exploration de la modernité afin de la rendre intelligible. Il voit en celle-ci une fascinante manifestation et expression du neuf, de l'inconnu, des ruptures sous-jacentes aux continuités.
Pour en avoir une meilleure compréhension, il a mis en jeu son expérience d'anthropologue, il a choisi de prendre quelque distance, de comparer notre temps aux périodes d'interrègne dans les sociétés " autres ". C'est un changement de point de vue, qui permet de discerner comment le politique et le pouvoir s'accommodent de la nouveauté ou s'aggripent au passé, espérant faire rejouer des anciennes structures de pensée. Le regard porté sur les autres donne la possibilité de mieux nous voir tels que nous devenons, dans les grandes catégories qui nous organisent: le corps politique, la division des sexes, la ruse politicienne, le techno-imaginaire, l'art nouveau ou les logiques de l'information et de la communication.
Avec Georges Balandier, démonstration est faite que, pour l'intelligence de l'actuel et de ce que nous sommes, le détour est la ligne la plus droite.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
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Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
. « La nécessité de penser autrement résulte du dépaysement engendré par toute une suite de transformations rapides sans achèvement prévisible. Il met dans la situation de l'anthropologue confrontéà des situations méconnues dont il doit faire surgir des significations cachées et fluctuantes. C'est le détour anthropologique dont j'ai traité naguère. Ce livre n'est pas une reprise du thème, mais une utilisation de la démarche afin d'éclairer la situation française à partir d'un ensemble d'événements qui en sont les révélateurs. c'est l'accélération du temps des ruptures, des achèvements, des mutations irréversibles qui se manifeste en peu d'années. Deux d'entre elles, 2006 et 2007, sont grandement révélatrices, notamment par une élection présidentielle dont la campagne ne fut comparable à aucune des précédentes. Elle signale une fin, celle du politique tel qu'il fut défini et pratiqué sous la Ve République, du commencement gaullien jusqu'à l'effacement de Jacques Chirac. Elle inaugure une autre façon d'être engagé dans le combat politique et d'occuper la fonction du suprême. Le projet de traiter ces deux années comme un nouvel objet anthropologique, en tenant la position d'un observateur distancé afin de voir autrement et de saisir autre chose qui échappe au commentateur de l'immédiat, a donné naissance à ce livre. Ce n'est pas une nouvelle version de l'événement, c'est une autre narration de l'événement en fonction de ce qu'il révèle et de ce qui le situe. Le livre s'ouvre sur un chapitre - Les effacés, les conquérants - qui considère la disparition, la succession des figures de référence (le cardinal Lustiger, l'abbé Pierre, etc.) après l'effacement des illustres jusqu'à l'avènement actuel des nouveaux conquérants. C'est ensuite la mise en récit d'une exploration dans l'espace couvert par les deux années où les ruptures effectuées, les personnages, dérangent totalement les scènes françaises façonnées par l'histoire récente. C'est une reconnaissance accomplie par temps de nouveaux commencements. » G. B.
Les études consacrées aux changements sociaux opérant dans les pays en voie de développement, de même que les recherches relatives aux phénomènes dits « d'acculturation », se sont multipliées depuis 1945. Il avait été demandé à Georges Balandier d'établir une sorte de « bilan » quant à deux peuples : les Fang du Gabon et les Ba-kongo du Congo, qui s'imposaient à l'attention des autorités administratives par « leur reprise d'initiative » et leurs entreprises novatrices. La présente étude apporte le résultat d'enquêtes accomplies de 1948 à 1951.
Ne resterait-il qu'un grand mythe pour accompagner jusqu'à son terme notre trajet dans le siècle, ce serait celui du Labyrinthe, de Dédale et du Minotaure.
Il éclaire les explorations de l'inédit où l'époque nous entraîne. Il oriente les repérages. Il met en évidence les pouvoirs en expansion, leur ambivalence et leur avancée aveugle, leurs pièges. Il s'accorde à un monde où le désordre semble dissoudre l'ordre, où la complexité croissante décourage tout recours à une droite logique, où l'homme recherche les signes, les indices, qui jalonneraient son parcours.
Ce livre présente un état de nos sociétés, dont il effectue la reconnaissance commentée. Il procède d'entrée à l'identification des domaines critiques. Il fait ensuite de chacun des chapitres un itinéraire: au long des chemins brouillés de la mémoire; à la rencontre des nouveaux Dédale, maîtres de la puissance technique; à la découverte des carrefours de l'imaginaire; à la recherche des détours du sacré; pour conduire finalement à interroger une démocratie éclatée, qui donne au texte sa conclusion politique.
Il y a quelques décennies, de bons esprits se demandaient comment accéder pleinement au XXe siècle, comment se débarrasser des archaïsmes. Ce livre voudrait contribuer à ce que nous en sortions moins confusément, et moins résignés à l'abandon de nos responsabilités.
Georges Balandier, écrivain, anthropologue et sociologue, est professeur à la Sorbonne et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Il a publié de nombreux ouvrages, notamment Le Détour (Fayard, 1985) et Le Désordre (Fayard, 1988).
Le Grand dérangement contemporain marque le passage d'un passé défait à un présent où le devenir se produit dans une transformation continue sans achèvements identifiables. Se plaçant en observateur décentré, attentif aux transformations contemporaines, l'auteur propose des interprétations inédites. Il dénonce les défaillances de l'action civilisatrice, la montée continue de la puissance, les réactions à l'expansion de la surmodernité mondialisante. Cet essai incisif et engagé "dérange" en essayant de décrypter ce "grand dérangement" moderne.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.