Tout créateur devrait se poser la question de savoir comment ne pas être complice, volontairement ou involontairement, des systèmes des pouvoirs. Pour cela, il est nécessaire de substituer une éthique des oeuvres à une valeur inconditionnelle de la culture. Dans Penser dans un monde mauvais, Geoffroy de Lagasnerie proposait de placer au coeur des sciences sociales et de la philosophie la production de « savoirs oppositionnels » : comment transposer ces analyses au champ de l'art ? Dès qu'on le confronte au monde et à l'action, que l'on refuse l'autonomisation de la sphère esthétique, il est difficile de ne pas devenir sceptique sur la valeur de l'art : peut-on définir un « art oppositionnel » ? Sur quelles valeurs reposerait-il ? Contre quelles valeurs s'affirmerait-il ? Quelles relations entretiendrait alors l'artiste avec les institutions du monde culturel ?
Parce que nous vivons dans un monde mauvais, tout auteur doit nécessairement se poser la question de savoir comment ne pas être complice, volontairement ou involontairement, des systèmes de pouvoirs : qu'est-ce qu'écrire dans une société marquée par la violence, la domination, l'exploitation ? Comment concevoir une pratique de la pensée qui ne contribue pas à la perpétuation de ce qui existe mais qui soit, au contraire, oppositionnelle ? Quels sens ont l'art, la culture et le savoir - et surtout : à quelles conditions ont-ils du sens et de la valeur ?