Au début, je n'ai pas vraiment penséà un livre. C'était assez confus. J'avais en tête des bouts d'histoires. Ma mère. Burbach, le bled où je suis né. Les frères Camarda. Mon copain Dany. La fontaine aux Trois-Mérous. Denise et Anita. Le sens de ma vie. Le ventre des femmes. Mon sperme trop lent. Je manquais de repères.Un type m'a prêté un bureau sous une cathédrale. Là, j'ai commencéà réfléchir. A bricoler. Autour de moi, la ville grouillait. Je regardais passer les jambes des femmes qui allaient à la messe. J'étais comme une coquille de noix sur une mer d'huile. Perdu dans l'espace, entre les morts et les vivants. Et puis un jour, en remontant sa jupe, Géraldine m'a embrassé et a dit:_ La prochaine fois que j'ai envie je te rappelle.Avant de claquer la porte, elle a ajouté:_ Au fait, je ne prends plus la pilule!Je me suis souvent dit que si j'écrivais un livre sur tout ce que je vois et j'entends dans cette ville, je ferais un malheur. Mais écrire est un travail extrêmement fatigant, qui donne soif et qui, hormis des emmerdements, rapporte peu.Denis Robert a 36 ans. Il est journaliste à Libération. Il vit entre Metz et Paris. Il est l'auteur d'un premier roman, Chair Mathilde (Editions Bernard Barrault, 1991).
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Elle a appelé chez moi, en disant qu'elle voulait parler avant de mourir. Profession : banquière. Clients : des centaines d'hommes politiques, de policiers, de hauts fonctionnaires. Signes particuliers : mariée à un dingue. La loterie des Affaires est tombée sur elle. D'une certaine manière, c'était injuste. D'une manière, j'étais d'accord avec elle. Alors, elle a voulu se venger. Elle m'a raconté des histoires de chantage au sexe et à l'argent. Elle se souvenait de tout : des circuits, des livreurs, des noms de code, de leurs détachées, quand ils recevaient les enveloppes. Henriette savait que sa mort allait arranger beaucoup de monde. C'est pour ça qu'il fallait se dépêcher.
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" J'aurais pu être un très bon journaliste si j'avais été plus rapide à réagir sur l'événement. Je passe trop de temps à réfléchir à ce que je fais. A mon avis, pour devenir un bon journaliste, il aurait fallu que je me laisse aller et ue j'accepte de croire que ce qu'on pissait comme copie tous les jours était la vérité. Je serais allé déjeuner avec mes collègues dans des restaurants qu'on se serait fait rembourser par la boîte. On aurait parlé de la vie politique de ce pays et des actualités télévisées. Si j'avais été plus véloce à donner mon grain de sel sur l'état du monde, je me serais sans doute fait embaucher à la télévision. Je serais passé dans une émission du dimanche soir. Celle que regarde ma mère. Elle aurait été heureuse le lendemain, en allant au pain, d'en parler à ses copines:
_ Dis, t'as vu mon fils hier à la télé? Pas mal, hein? "
Ecrivain, ancien journaliste à Libération, Denis Robert est l'auteur de deux romans, Chair Mathilde (Bernard Barrault, 1991), Je ferai un malheur (Fayard, 1995) et de trois livres chez Stock, Pendant les " Affaires ", les affaires continuent... (1996), La justice ou le chaos (1996) et Portrait de groupe avant démolition (1997).
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