Des égoïstes. Des arrivistes. Des narcisses. Des incompétents. Des traîtres.
Le théâtre politique regorge de ces créatures qui nous révulsent. Nous les critiquons, nous les jugeons et déjugeons. Nous adorons détester ce monde, mais nous nous garderions bien d'y mettre ne serait-ce qu'un orteil. Et jamais nous ne nous posons la vraie question : comment en sommes-nous arrivés là ?
Y aurait-il eu - comme les complotistes et les désabusés l'affirment - une confiscation du pouvoir, à tous les niveaux, jusqu'au sommet de l'État ? La réponse est à la fois banale et dérangeante : au-delà de travers institutionnels, de gaspillages publics et autres labyrinthes administratifs qu'il est urgent de corriger, nous avons peut-être tout simplement... les Politiques que nous méritons.
Quand l'air politique devient irrespirable, ne peuvent subsister que les héros et les dingos. Nous les rejetons, certes, nous déplorons de ne plus avoir le choix, mais ce non-choix, nous l'avons créé en rendant la vie impossible aux engagés et aux dévoués.
À la veille d'une bataille présidentielle décisive, au sortir d'un quinquennat marqué par de longues crises (Gilets jaunes, Covid-19...) et dans un contexte toujours plus dégagiste, le temps est peut-être enfin venu de balayer devant notre porte.
Et qui sait ? de se réconcilier avec nos Politiques.
D'où vient la crise qui paralyse lentement mais sûrement les démocraties et qui provoque en retour les sursauts populistes ? Sur la base d'études approfondies de l'opinion, Chloé Morin dégage les principaux facteurs qui ont créé cette situation. Les règles du jeu politique ont changé sans que son personnel s'en soit avisé. La défiance des citoyens envers les pouvoirs s'est installée sans que ses sources soient véritablement saisies et combattues.
Le "séparatisme" fait des ravages, mais il n'est pas seulement là où l'on croit. Il est aussi le séparatisme des élites par rapport aux peuples, ou encore le fait des tribus dont le numérique encourage la fermeture sur elles-mêmes.
Tels sont les vrais périls qu'affronte aujourd'hui la démocratie et qui soulèvent les passions populistes. Au lieu de dénoncer celles-ci comme une menace, soutient Chloé Morin, il faut savoir y lire un rappel de nos régimes à leur inspiration d'origine.
Derrière le débat sur le déconfinement des seniors lors de la crise sanitaire, un autre sujet, plus radical encore, est en train d'émerger - ou plutôt de revenir avec brutalité : celui de la condition que nous réservons au vieillissement dans nos sociétés où, de plus en plus, l'on pense la vieillesse non plus comme une chance de vivre plus longtemps mais comme un handicap de vivre hors des schémas imposés de la vitesse et de l'agilité permanentes que l'on exige de chacun.
Ancienne conseillère en charge de l'opinion publique au sein du cabinet du Premier ministre de 2012 à 2016, Chloé Morin est aujourd'hui directrice de projets internationaux chez Ipsos.
Daniel Perron est juriste.
La crise du COVID-19 a joué un rôle de révélateur à bien des égards. Parmi les phénomènes qui nous ont sauté aux yeux se trouvent l'extraordinaire inefficacité et l'inadaptation aux enjeux actuels de notre administration, sur fond de déconnexion et de déresponsabilisation de la haute fonction publique. La thèse défendue par Chloé Morin est que la faillite des « élites » n'est pas une somme de « petitesses » individuelles, comme on serait aisément tenté de le croire, mais le résultat d'un système dont elle décortique différents aspects. Après avoir listé et illustré les causes et les conséquences concrètes de cette maladie de l'État, l'auteure propose des solutions décapantes - en espérant qu'elles ne soient pas, comme bien d'autres avant elles, enterrées. Une lecture revigorante !
Ancienne conseillère en charge de l'opinion publique au sein du cabinet du Premier ministre de 2012 à 2016, Chloé Morin est aujourd'hui directrice de projets internationaux chez Ipsos.