Ils furent "les seigneurs du sang de France", "princes des fleurs de lys", seuls à pouvoir succéder au trône et à garantir la continuité dynastique de la royauté. Un sang doué d'une excellence particulière qui leur conférait un prestige propre. Mais il arrive que cette qualité suréminente entre en concurrence avec l'autorité du souverain, seul auteur de la loi et juge des hiérarchies temporelles. L'histoire de la monarchie est rythmée par des conflits nés de cette tension originelle entre deux systèmes de légitimité que le pouvoir royal n'a jamais vraiment réussi à apprivoiser.
La proximité des princes avec le roi en fait des rivaux potentiels, enhardit des "malcontents" qui oeuvrent pour un changement politique jusqu'à assumer leur devoir de révolte. D'où le dilemme que rencontrent tous les monarques : comment désarmer la dangerosité des princes sans diminuer l'ascendant de leur sang ? Ce livre explore l'histoire longue de cette ambiguïté, du Moyen Âge à la Révolution française, sur fond de conflits politiques, de querelles idéologiques, de frondes et de guerres civiles. Il met au jour les aménagements successifs entre un souverain absolu d'institution divine et des princes du sang qui se croient appelés à discerner l'ordre juste, avertir le monarque de ses manquements et le rappeler à la raison. On croise, chemin faisant, des personnalités singulières et des destins hors du commun, princes intrépides, princes philosophes, insoumis, séditieux, jusqu'au prince régicide qui votera la mort du roi.
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Le 18 août 1572, Paris célèbre avec faste le mariage de Marguerite de Valois et d'Henri de Navarre, événement qui doit sceller la réconciliation entre catholiques et protestants. Six jours plus tard, les chefs huguenots sont exécutés sur ordre du Conseil royal. Puis des bandes catholiques massacrent par milliers "ceux de la religion" - hommes, femmes, vieillards, nourrissons...
Comment est-on passé de la concorde retrouvée à une telle explosion de violence ?
Comment une "exécution préventive" de quelques capitaines a-t-elle pu dégénérer en carnage généralisé ? Quel rôle ont joué le roi, la reine mère, les Guises, le très catholique roi d'Espagne ? De ces vieilles énigmes, Arlette Jouanna propose une nouvelle lecture.
La Saint-Barthélemy n'est l'oeuvre ni des supposées machinations de Catherine de Médicis, ni d'un complot espagnol et encore moins d'une volonté royale d'éradiquer la religion réformée. Charles IX, estimant sa souveraineté en péril, répond à une situation d'exception par une justice d'exception. Mais en se résignant à ce remède extrême, il installe, sans en faire la théorie, une logique de raison d'État. Cet effort de restauration politique va ouvrir la voie à l'absolutisme des Bourbons.
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On l'imagine souvent retiré dans sa tour pour caresser les muses et élaborer une sagesse intemporelle. Mais Montaigne ne peut se résumer à l'image du philosophe voué à la contemplation. C'est un seigneur à la tête d'un vaste domaine, avec ses paysans, ses vignes et ses champs. Un gentilhomme pétri de culture nobiliaire, dont il brave les certitudes pour leur substituer un idéal inédit : conquérir la grandeur dans la "médiocrité" d'une existence ordinaire. Un ancien magistrat aussi, pénétré d'un riche savoir juridique, qu'il mit pour un temps en oeuvre au Parlement de Bordeaux, ville dont il deviendra le maire. Un acteur politique surtout, happé par la tourmente des guerres de religion, la violence des haines confessionnelles et la hantise de la mort qui ensanglante la France.
On ne peut comprendre, écrit Arlette Jouanna, le destin singulier de cet homme d'exception sans mettre en miroir les différentes figures qui composent sa personnalité et le terroir historique dans lequel elles s'enracinent. C'est d'un regard d'historien qu'il faut en effet redécouvrir son itinéraire tumultueux et la fascinante diversité d'une pensée toujours en mouvement.
Si Montaigne nous parle encore, c'est qu'au milieu des troubles civils, il en appelle à la "raison publique" pour transcender les intolérances ; c'est qu'il invite à affranchir l'esprit du poids des conventions arrêtées et des préjugés invincibles. Ni le vestige d'un passé révolu, ni le prédicateur d'un individualisme hédoniste, mais tout simplement notre contemporain.
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Qu'est-ce que le pouvoir dans la France de Richelieu et de Louis XIV ? Question redoutable, inépuisable, que repose ce livre. Arlette Jouanna interroge à frais nouveaux les caractères originaux de l'idéologie absolue comme système de légitimité construit au service d'un prince qui se veut investi par Dieu.
Au XVIIe siècle, après la terrible déchirure des guerres de Religion, la croyance en la sacralité du roi a fait de lui l'unique source du droit, ce qui tend à assimiler le légitime au légal. D'extraordinaire et dangereuse, la puissance absolue est devenue ordinaire et bénéfique ; l'art de gouverner y gagne une autonomie temporelle inédite et entame le lent processus de l'impersonnalisation de l'État.
Les résistances à cette révolution politique, qui marie droit divin et raison d'État, échoueront à s'imposer pendant la Fronde. Louis XIV saura incarner magnifiquement la majesté de l'État absolu ; mais sa force même d'incarnation finit par rendre opaque le lien entre pouvoir et justice. De là à le tenir pour un despote... Son règne marque à la fois l'apogée et le début du déclin de l'imaginaire sacral de la monarchie.
Le Prince absolu fait suite au Pouvoir absolu : Naissance de l'imaginaire politique de la royauté (2013). L'originalité de cette oeuvre est de mettre en miroir les fondements théoriques de la "religion royale" avec l'histoire en train de se faire, qui ne cesse de les modeler. Par où elle renouvelle et enrichit notre intelligence de l'histoire politique de l'Ancien Régime.
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Le pouvoir absolu épouse la longue histoire de la monarchie. On l'imagine souvent inscrit dans une logique immuable, jusqu'au procès d'indignité que vont lui intenter les Lumières. C'est cette double image de la continuité du système absolu et de son caractère fatalement subversif de toute justice que cet ouvrage met à mal. Absolu, écrit Arlette Jouanna, signifie la possibilité légale de transgresser les lois au nom d'une légitimité supérieure ; et cette idée du pouvoir, loin d'être immuable, n'a cessé de s'infléchir à l'épreuve des bouleversements qui agitent l'histoire politique de la royauté.
Avant les guerres de Religion, on l'ignore trop, le monarque ne pouvait déroger aux lois qu'au titre de l'exception et de l'urgence. Et, même délié des lois, il restait lié par la Raison, cet ordre juste que Dieu faisait régner dans le monde. Mais la déchirure religieuse, en désagrégeant la cohésion sacrale du corps politique, a fait perdre le sens de la correspondance - jusque-là si évidente - entre la cité céleste et la cité terrestre : seul le roi en personne pouvait désormais incarner l'unité des communautés désunies.
L'originalité radicale de la voie française aura été cette construction, à la fois intellectuelle et institutionnelle, d'un espace politique extérieur et supérieur aux passions humaines. Telle est la nouvelle figure du prince absolu, projeté loin au-dessus des sujets dans une proximité mystérieuse et solitaire avec Dieu. C'est
cette transcendance qui confère à sa volonté une autorité sans précédent, quasi sacrée, seule capable de tenir ensemble le royaume.
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Se proclamer " Mécontent ", c'était pour les nobles, pendant le siècle troublé qui sépare les règnes de Henri II et de Louis XIV, se prévaloir d'un statut quasi officiel d'opposant à la politique royale. En l'absence d'institutions vraiment efficaces permettant de s'exprimer légalement, le recours à la violence apparaissait comme un moyen normal de faire entendre sa voix: les Mécontents qui avaient à se plaindre du roi ou de ses conseillers " prenaient les armes " pour faire pression sur lui et alerter l'opinion. Ces révoltes ambiguës ont rassemblé des hommes issus de catégories sociales variées, mais leurs chefs ont été des gentilshommes, parmi lesquels on comptait les plus grands noms de la noblesse. Ceux-ci poursuivaient un but commun, par-delà la diversité de leurs convictions religieuses: il s'agissait pour eux de promouvoir une plus grande participation des sujets _ dont ils s'estimaient les porte-parole naturels _ au gouvernement. Leurs prises d'armes ont été un effort désordonné et souvent désespéré devant l'évolution " absolutiste " de la monarchie, pour faire triompher une autre conception, tout aussi cohérente, du pouvoir et des hiérarchies sociales: pour eux, se révolter était un devoir.
La connaissance de ces révoltes, de leurs animateurs, l'examen attentif des écrits _ théoriques ou de circonstance _ publiés à leur occasion, est indispensable pour bien saisir la portée de l'évolution politique de l'âge classique auquel on est condamné à ne rien comprendre si on ne la situe pas dans la perspective des combats qui l'ont précédé. Après la Fronde se dégagera lentement une théorie politique plus ouverte sur la recherche de moyens institutionnels susceptibles d'incarner durablement l'idéal politique de la noblesse, ou du moins de la partie la plus riche et la plus éclairée d'entre elle. Au carrefour de l'histoire politique, de l'histoire sociale et de l'histoire des idées, cette démarche apporte une contribution décisive à l'étude des relations entre pouvoir et société dans la France d'Ancien Régime.
Professeur à l'université Paul-Valéry de Montpellier, Arlette Jouanna est spécialiste du XVIe siècle en général, et de la noblesse de cette période en particulier. Elle a publié en 1977 Ordre social. Mythes et hiérarchies dans la France du XVIe siècle.
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